La candidate communiste, Jeannette Jara, est arrivée en tête du premier tour de la présidentielle au Chili, le 16 novembre 2025. CHINE NOUVELLE/SIPA
Pour la première fois depuis la fin de la dictature de Pinochet (1973-1990), l’extrême droite se rapproche à nouveau du pouvoir au Chili : son leader José Antonio Kast affrontera en décembre au second tour de la présidentielle la communiste modérée Jeannette Jara. Si cette dernière est arrivée légèrement en tête du premier tour, dimanche, elle est en position défavorable pour le second tour dans un pays latino-américain marqué par une montée de la criminalité et des questions d’immigration. Le report de voix est en effet favorable au candidat d’extrême droite…
• La gauche en tête au premier tour, mais…
La candidate de la coalition de centre gauche au pouvoir, Jeannette Jara, est arrivée en tête, avec 2,9 points d’avance (26,85 %) sur José Antonio Kast (23,92 %). Mais l’ancienne ministre du Travail visait au moins 30 %, un niveau proche du score obtenu en 2021 par le président sortant Gabriel Boric.
Avec un total de voix de droite largement supérieur à celui de la gauche, José Antonio Kast aborde le second tour, prévu le 14 décembre, en position de force grâce aux reports de voix. Le député libertarien Johannes Kaiser, arrivé quatrième (13,94 %), a immédiatement annoncé qu’il soutiendrait n’importe quel candidat de droite contre la gauche.
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A l’inverse, Jeannette Jara ne peut espérer rallier que quelques voix supplémentaires de son côté de l’échiquier politique. « C’est pire que le pire scénario pour la gauche », observe auprès de l’AFP Rodrigo Espinoza, analyste politique à l’Université Diego Portales du Chili.
Dès dimanche soir, la communiste de 51 ans, issue de l’aile sociale-démocrate du parti, a tendu la main à deux adversaires de droite jugés relativement modérés : l’économiste iconoclaste Franco Parisi (19,71 %), qui a surpris en se hissant à la troisième place, et Evelyn Matthei (12,46 %), figure de la droite traditionnelle arrivée cinquième. « Presque la moitié des Chiliens n’ont voté ni pour moi ni pour Kast, dès demain nous irons à leur rencontre », a déclaré Jeannette Jara devant ses partisans.
• L’extrême droite surfe sur le sentiment d’insécurité
Bien que le Chili reste l’un des pays les plus sûrs de la région, la hausse ces dernières années du nombre d’homicides et d’enlèvements a nourri un sentiment d’insécurité et favorisé l’ascension de l’extrême droite. Le taux d’homicides a plus que doublé en dix ans pour atteindre 6 pour 100 000 habitants, tandis que les enlèvements ont bondi de 76 % en quatre ans, selon les autorités.
José Antonio Kast, un avocat de 59 ans qui brigue la présidence pour la troisième fois, avait déjà fait de la lutte contre la criminalité son cheval de bataille lors de la présidentielle de 2021, perdue face à Gabriel Boric. Il a encore durci son discours, promettant d’expulser les plus de 330 000 étrangers en situation irrégulière, de construire un mur frontalier, d’armer davantage la police et de déployer l’armée dans les zones critiques.
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Ce climat de peur « est plutôt confortable (…) pour la droite la plus radicale, comme cela s’est produit ailleurs en Amérique latine et dans le monde », note Rodrigo Espinoza. Selon cet analyste à l’Université du Développement du Chili, la constance de José Antonio Kast sur ses positions sur ce thème lui a donné de la crédibilité.
• L’économiste Parisi, l’une des clés du second tour
Lors de la présidentielle de 2021, Franco Parisi avait créé la surprise en arrivant troisième au terme d’une campagne virtuelle menée depuis les Etats-Unis. Dimanche, il a de nouveau décroché la troisième place, cette fois en étant présent sur le terrain. Cet économiste de droite détient l’une des clés du second tour.
Dans une interview avec l’AFP début septembre, il affirmait que peu lui importait d’être qualifié de « populiste », et qu’il était prêt à négocier aussi bien avec la droite qu’avec la gauche. « J’ai une mauvaise nouvelle pour Jara et Kast : ils vont devoir aller chercher les voix dans la rue. J’ai besoin de gestes de leur part. Le problème c’est eux », a-t-il déclaré dimanche soir.
Jeannette Jara a déjà indiqué qu’elle intégrerait certaines de ses propositions dans son programme de second tour. José Antonio Kast, lui, n’a fait aucune allusion à Franco Parisi. Les électeurs de ce dernier sont des « mécontents de la politique et du gouvernement », souligne Rodrigo Arellano, qui juge plus probable qu’ils se reportent sur le candidat d’extrême droite plutôt que sur celle de gauche.

