Président mythique du Cazes Olympique, voix grave et silhouette incontournable du foot amateur, Pierre « Pierrot » Sales s’est éteint à 87 ans, laissant un club, un village et une famille en deuil.
C’est une silhouette familière du football tarn-et-garonnais qui s’efface. Pierre Sales, “Pierrot” pour tous ceux qui ont un jour posé un pied au stade Marcel-Mazet de Cazes-Mondenard, s’est éteint dimanche 16 novembre. Il aurait fêté ses 88 ans le 6 décembre. Une pensée émue accompagne aujourd’hui sa veuve Josette, son fils Serge et son petit-fils Victor.
Né au 1, rue du Sarraillé, au cœur du village, Pierrot avait l’ancrage dans le sang. Le club, c’était d’abord une histoire de famille : son père, chef d’entreprise et fondateur des transports Sales, avait contribué à créer le Cazes Olympique. Le plus beau cadeau qu’il pouvait offrir à son fils. Joueur puis secrétaire du club, défenseur rugueux mais loyal, Pierrot en était l’âme avant même d’en devenir le chef d’orchestre. Président dès 1969, il a tenu la barre quarante ans durant. À ceux qui l’interrogeaient sur le destin du CO sans lui, il lançait malicieusement : “Et moi, que serais-je devenu sans le Cazes Olympique ?”
Avec lui, un village de 1 300 habitants a connu des jours de gloire improbables : une montée en Ligue en 1962, deux Coupes du Midi (1987 et 2003), une équipe féminine solidement installée en Ligue régionale et deux fois victorieuse du challenge Souchon. Sous sa présidence, le Cazes Olympique est devenu une institution locale, forte de 250 licenciés, attachée à ses traditions autant qu’à ses ambitions.
Figure locale, Pierrot ne rangeait jamais son sens des responsabilités au vestiaire. Parallèlement à sa carrière aux Ponts-et-Chaussées, il présidait le syndicat des eaux, veillait à la voirie, participait aux instances du football départemental. On le disait entier. On le savait attachant. Ses colères contre des décisions arbitrales faisaient partie du folklore : coups de gueule sonores, voix grave qui roulait dans le vent du stade, yeux qui lançaient des éclairs. Les arbitres l’appréciaient pourtant, paradoxalement. Certains demandaient même à terminer leur carrière au sifflet à Cazes-Mondenard, pour profiter une dernière fois de cette ambiance si particulière, d’un président capable de râler sans jamais manquer de respect.
En 2009, il a laissé la présidence à trois co-présidents : Alain Sénac, Pascal Bach et Jean-Pierre Brémont. “Oui, il fallait être au moins trois pour succéder à Pierrot”, reconnaît Alain Sénac, président du club depuis seize ans. “Je garde en mémoire ses colères contre des décisions arbitrales. Je lui en faisais la remarque et il me répondait toujours : si je n’étais pas un brin chauvin, je ne serais pas là.” Connu de toutes les instances de la Ligue, Pierrot avait fait de ses coups de gueule un rituel du bord du terrain d’honneur.
Entre Cazes, Moissac et Les Landes
En septembre 2017, une reconnaissance nationale est venue couronner cet engagement. Pour ses longues années de service (dans l’équipement, le sport et la vie associative) Pierrot a été fait chevalier de l’Ordre national du mérite. Une cérémonie simple mais symbolique, marquée par les hommages d’élus et d’acteurs du football amateur. Il rappelait alors, dans un sourire humble : “J’ai presque l’âge du club…” Et évoquait toujours avec amusement la première montée en Ligue : “On a joué au Stadium de Toulouse… et perdu 11 à 1 contre la réserve de TFC, mais signé un 0-0 au retour.”
Entre Moissac, où il résidait, Moliets dans les Landes où il aimait jouer au golf, et Cazes-Mondenard où il revenait comme on revient chez soi, Pierrot suivait un triangle intime. Au club-house, sa présence était attendue comme une évidence. On venait chercher son avis, son œil d’ancien défenseur, sa mémoire pleine d’anecdotes. Lui préférait raconter les débuts bricolés, la première saison en Ligue, ces beaux dimanches de victoire…
Repose en paix, Pierrot. Le Cazes Olympique jouera sans lui, mais jamais loin de lui.

