November 17, 2025

Quelle souveraineté numérique pour l’Europe : un sommet sous pression pour Macron et Merz

l’essentiel
Réunis le 18 novembre à Berlin, responsables européens, entreprises et acteurs du numérique débattent de la souveraineté technologique de l’UE. La France y défend une stratégie de simplification réglementaire, de protection des données et d’investissement massif dans l’IA, tandis qu’une lettre ouverte de plus de 40 organisations appelle à un virage résolument open source.

Après son face aux lecteurs de La Dépêche du Midi mercredi dernier sur la démocratie à l’épreuve des réseaux sociaux, Emmanuel Macron replonge dans les enjeux numériques ce mardi en Allemagne. À Berlin, le sommet européen sur la souveraineté numérique réunit ce 18 novembre les ministres des Vingt-Sept, la Commission et de nombreux acteurs privés, pour une séquence pensée comme un moment d’affirmation stratégique.

L’événement, coprésidé par la France et l’Allemagne, s’articule autour d’interventions politiques et de sept tables rondes traitant de simplification réglementaire, d’identité numérique, de cloud souverain ou encore d’intelligence artificielle. En marge, une trentaine d’événements organisés par les fédérations professionnelles doivent favoriser l’émergence de partenariats européens, notamment entre start-up et grands groupes.

L’objectif affiché du sommet est de mieux structurer l’autonomie numérique du continent tout en renforçant la compétitivité des acteurs européens. Le sommet sert aussi de vitrine à des coopérations industrielles nouvelles, dans un contexte où Paris et Berlin cherchent à relancer leur partenariat.

Trois priorités pour la France

Selon l’Élysée, la France arrive à Berlin avec trois priorités. D’abord, la simplification du corpus réglementaire européen, jugé trop contraignant pour l’innovation. Paris soutient le report d’une partie de l’AI Act de douze mois et souhaite une évolution du RGPD (le règlement européen de protection des données personnelles) afin de faciliter certains usages de l’IA.

Suivent la protection, comprenant la préférence européenne dans la commande publique, la défense des données sensibles, la protection des mineurs et la lutte contre la désinformation. Enfin, l’innovation est la 3e priorité : union des marchés de capitaux, montée en gamme de la chaîne de valeur – des puces aux services – et soutien à l’essor d’acteurs européens crédibles dans le cloud comme dans l’IA. Une déclaration franco-allemande conjointe doit clore la journée, tandis que des annonces business bilatérales sont attendues.

Ces priorités s’inscrivent dans un contexte où les divergences subsistent entre Paris et Berlin, notamment sur le cloud. La France reste prudente face aux risques d’extraterritorialité américaine, alors que l’Allemagne adopte une approche plus pragmatique. Les deux capitales cherchent néanmoins un terrain d’entente avec une feuille de route commune visant à limiter la dépendance aux hyperscalers (AWS, Microsoft, Google Cloud…).

40 organisations appellent à miser sur l’IA open source

En parallèle du sommet, une lettre ouverte signée par plus de quarante organisations – dont Mozilla, Mistral AI, EleutherAI, Wikimedia ou Red Hat – propose une voie différente pour la souveraineté numérique européenne. Les signataires estiment que l’Europe ne peut pas « acheter » sa souveraineté : elle doit la construire sur des technologies ouvertes. Selon eux, l’open source constitue la condition d’une autonomie durable, en réduisant les dépendances technologiques, en renforçant la compétitivité et en offrant un cadre transparent et conforme aux valeurs européennes.

Le texte avance cinq mesures pour faire de l’open source un pilier stratégique : rééquilibrer la commande publique, financer un stack IA ouvert européen, réserver une part des infrastructures de calcul aux projets d’intérêt public, ouvrir davantage de données non sensibles et renforcer les compétences des acteurs publics et privés. Les auteurs défendent une vision où l’Europe pèserait davantage dans la définition de standards ouverts et collaboratifs.

Entre impératif de souveraineté, volonté de simplification et tensions industrielles persistantes, le sommet de Berlin apparaît ainsi comme un moment charnière où l’Union européenne doit arbitrer entre régulation, protection et innovation, tout en choisissant jusqu’où elle souhaite miser sur l’ouverture pour consolider sa place dans la compétition mondiale, aujourd’hui dominée par les États-Unis et la Chine.

source

TAGS: