Des entreprises du monde automobile sont accusées d’avoir orchestré une escroquerie de 7,5 millions d’euros au préjudice de l’administration fiscale. Les prévenus, qui clament leur innocence, étaient jugés ce lundi par le tribunal correctionnel de Toulouse.
“C’est une fraude d’une ampleur immense”, tonne la procureure. Plusieurs chefs d’entreprise comparaissaient ce lundi devant le tribunal correctionnel pour une escroquerie en bande organisée. Le préjudice estimé pour les finances publiques est colossal : 7,5 millions d’euros selon l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.
Fausses factures et système de TVA avantageux
Tout débute par le contrôle fiscal de la société AB Auto 31, spécialisée dans la vente de véhicules d’occasion. On lui reproche d’utiliser un mécanisme sophistiqué permettant d’éluder une grande partie du paiement de la TVA en s’appuyant sur une disposition du Code général des impôts, relative à l’application de la TVA limitée à la marge pour les ventes de véhicules d’occasion intracommunautaires. L’enquête permet de remonter une autre société de vente de véhicules, la société B & B Diffusion, et plusieurs sociétés espagnoles et roumaines jouant le rôle d’intermédiaire.
En pratique, le système repose d’abord sur une vente fictive entre des constructeurs de véhicules allemands et des sociétés basées en Espagne ou en Roumanie. Ces sociétés dites facturières servaient d’intermédiaires administratifs pour créer de fausses factures, permettant de faire bénéficier aux clients finaux, des sociétés de vente de véhicules basées en France, d’un système de TVA avantageux. “Ces intermédiaires n’avaient d’autre raison d’exister que de fournir les documents permettant d’éluder la TVA”, précise la procureure. Le système permettait alors de vendre des véhicules de marque allemande haut de gamme avec une économie d’environ 20 %.
Les prévenus clament leur innocence
À la barre, les prévenus contestent la mise en place d’un tel système. La gérante de fait de la société AB Auto 31, se défend : “Je n’ai jamais pris de décision, j’étais simple secrétaire dans la société”. Le gérant de la société B & B Diffusion argue de “plusieurs contrôles fiscaux qui n’ont jamais débouché sur un quelconque redressement” pour démontrer sa bonne foi. Pour les gérants des sociétés facturières, ils nient toutes manœuvres “Nos structures vendaient vraiment des voitures”, assure Laurent B. “C’est notre expert-comptable qui validait les opérations”. Quant à Carmen A, elle réfute tout rôle actif : “Je n’avais qu’un rôle administratif. Certes des mails ont été envoyés avec mon poste, mais ce n’était pas moi”.
L’avocat de l’administration fiscale résume le dossier : “Les acquisitions se faisaient directement entre la France et l’Allemagne. Les ventes espagnoles ou roumaines étaient purement fictives”. Dans son réquisitoire, la procureure fustige “une atteinte grave à la solidarité nationale”. Elle requiert contre les gérants des sociétés facturières 4 ans d’emprisonnement, dont 2 avec sursis probatoire. Pour les gérants des sociétés de vente de véhicules : 30 mois, dont 8 avec sursis probatoire, contre le gérant de la société B & B Diffusion et 42 mois, dont 18 avec sursis probatoire, contre la gérante de fait de la société AB Auto 31. Les sursis probatoires sont assortis d’une obligation de travail et de rembourser les sommes dues au Trésor public. À titre de peine complémentaire, il est requis une interdiction de gérer pendant 5 ans pour l’ensemble des prévenus.
Sur le banc de la défense, les avocats plaident la relaxe. Pour les sociétés de revente de véhicules défendues par Me Simon Cohen et Me Jean-Luc Forget, ils pointent une enquête lacunaire : “Rien sur les fournisseurs allemands, rien sur les procédures fiscales”. Et de poursuivre en contestant l’existence d’une bande organisée “il faut démontrer une entente préalable, or le dossier démontre que les prévenus ne se connaissaient même pas lors de la création des sociétés”. Pour Mes Jean-Philippe Lahorge et Carole Biot-Stuart, les avocats des sociétés facturières, l’activité des sociétés était bien réelle et n’était pas uniquement de créer des factures permettant de bénéficier de la TVA sur la marge.
Aux termes des plaidoiries de la défense, le tribunal a mis sa décision en délibéré. La décision sera rendue le 8 décembre prochain.

