Par crainte du virus H5N1 de la grippe aviaire, les éleveurs gersois, comme Francis Villemur à Samatan, confinent leurs volailles. Une mesure sanitaire stricte qui bouleverse le quotidien des fermes Label rouge. Reportage.
Les frimas de l’hiver ne sont pas encore là, et pourtant, les élevages se replient déjà dans le Gers. Bottes aux pieds, Francis Villemur arpente les prés vides qui entourent l’immense bâtiment avicole qui abrite ses 4 400 poulets. “Je m’excuse, je ne peux pas vous faire entrer, nous avons des réglementations sanitaires à respecter”, lance-t-il timidement.

Ce n’est pas la peur du froid qui a poussé l’éleveur à claustrer ses volailles, mais bien la menace du variant H5N1 de la grippe aviaire qui plane sur le département gascon. Après avoir déjà laissé une plaie béante dans le Sud-Ouest il y a deux ans, l’influenza refait surface ailleurs en France. Plusieurs foyers ont été récemment détectés dans le nord du pays et dans le Lot-et-Garonne. Pour l’heure, aucun cas n’a été confirmé dans le Gers.

Mais le département étant placé en vigilance élevée, les mesures sanitaires s’appliquent strictement. Et Francis Villemur les suit à la lettre. Éleveur à Samatan, il produit des volailles fermières Label Rouge, bénéficiant d’un niveau de qualité supérieur. “La particularité du Label Rouge, c’est qu’à six semaines, les poulets doivent obligatoirement avoir accès à un parcours extérieur, enherbé et boisé”, explique-t-il.
Une claustration contrainte
En raison de la grippe aviaire, les poussins récemment nés, encore enfermés, ne verront sans doute jamais le jour. “Ils seront abattus dans 20 jours. Ils ne connaîtront pas le plaisir de sortir, mais on n’a pas le choix”, confie l’éleveur en contemplant ses prés vides. Pour lui, c’est un petit pincement au cœur, même si le travail s’en trouve allégé : il ne verra pas ses volailles gambader.
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“Ça joue sur la nervosité des poulets et sur nos propres précautions de déplacement dans le bâtiment, car ils sont plus agités. Bien sûr, ils ne peuvent pas aller se défouler dehors. Et cela a aussi un impact sur le poids des femelles : comme les mâles accaparent la nourriture, il y a un vrai dimorphisme entre les deux, les femelles pèsent souvent moins lourd. C’est ce qu’il y a de plus gênant”, regrette-t-il.
Une réflexion sur l’élevage français et mondial
Malgré les désagréments, Francis Villemur comprend la nécessité de ces mesures : il veut éviter que ses volailles soient exposées au virus et surtout, ne pas risquer de le propager dans la région. Mais il redoute d’autres effets. “Les animaux risquent d’être plus sensibles aux maladies respiratoires. Ils ont besoin de respirer l’air. Là, ils restent dans la poussière, si je puis dire.”

Une réflexion qu’il pousse au-delà du contexte actuel. “Aujourd’hui, il faut savoir que les animaux élevés en plein air sur une longue durée ne représentent que 15 % du marché français. Et il n’y a qu’en France où les poulets sortent. Partout ailleurs dans le monde, ils restent en bâtiments, avec une durée de vie de 35 à 40 jours, ce sont les poulets standards, industriels. Les gens s’en accommodent parce que ce n’est pas cher”, conclut l’éleveur, un brin fataliste.
La Confédération paysanne plaide pour une réglementation sanitaire adaptée à l’élevage en plein air
Alors que les menaces sanitaires pèsent de nouveau sur les élevages français, la Confédération paysanne appelle à suivre les recommandations sur la généralisation de l’analyse des risques sanitaires.
Le syndicat agricole intervenait ce mardi 4 novembre lors du colloque de restitution des résultats de l’expérimentation nationale sur la biosécurité dans les élevages plein air, en filières avicole et porcine. Lancée fin 2022 et financée par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, cette étude visait à répondre à une question centrale : comment adapter la réglementation biosécurité aux élevages en plein air ?
Les conclusions de l’expérimentation, présentées à Montreuil (Seine-Saint-Denis), confirment la pertinence d’une “approche fondée sur l’analyse des risques sanitaires à l’échelle de l’élevage”. Une méthode défendue par la Confédération paysanne. Selon le rapport, les outils développés dans le cadre de ce projet pourraient désormais être repris par l’administration. Objectif : permettre aux éleveurs d’adapter leurs mesures de biosécurité au niveau de risque réel auquel leur exploitation est exposée.
Des pistes à explorer
Ces trois années d’expérimentation ont également mis en évidence la nécessité de poursuivre les travaux. Il s’agit notamment d’évaluer l’efficacité de certaines mesures alternatives de prévention adaptées au plein air, tout en consolidant les connaissances sur les atouts de ces systèmes d’élevage : renforcement de l’immunité des animaux, réduction des risques de diffusion de maladies.
La Confédération paysanne réaffirme ainsi son souhait de voir la recherche et l’expérimentation se poursuivre, afin de produire de nouvelles données exploitables par les éleveurs et les autorités. En attendant, le syndicat estime que les grilles d’analyse des risques sanitaires doivent devenir “la véritable boussole” en matière de réglementation sanitaire.

