Les portraits de Cécile Kohler et Jacques Paris sur les grilles de l’Assemblee nationale, à Paris. ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
Les Français Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus en Iran depuis trois ans et demi, accusés d’espionnage au profit des renseignements français et israélien et qui ont toujours clamé leur innocence, sont sortis de prison mardi 4 novembre. C’est avec beaucoup d’émotion qu’ils ont été transportés à l’ambassade de France à Téhéran, en attendant de pouvoir rentrer sur le territoire français. « Le Nouvel Obs » fait le point.
• « Une première étape »
Emmanuel Macron a annoncé mardi la sortie de prison de Cécile Kohler et Jacques Paris dans la soirée sur le réseau X, évoquant une « première étape ». « Le dialogue se poursuit pour permettre leur retour en France le plus rapidement possible », a ajouté le président français, exprimant son « soulagement ».
Les otages ont donc été libérés de prison sans pour autant pouvoir quitter le territoire. Ils sont actuellement à l’ambassade de France à Téhéran. « Je les ai trouvés très heureux, très soulagés tous les deux par cette libération », a raconté mercredi 5 novembre à la radio France-Inter Pierre Cochard, l’ambassadeur de France en Iran, qui est allé les chercher mardi à la sortie de la prison d’Evin, à la sinistre réputation.
Le président français Emmanuel Macron s’est entretenu avec eux par visioconférence mercredi matin. « Cela a été très émouvant pour eux et pour le président. Ils l’ont remercié pour son engagement » pour obtenir leur libération, a aussi déclaré Pierre Cochard au micro de RTL.
Plus tard dans la journée, le président français a demandé à son homologue iranien Massoud Pezeshkian la « libération pleine et entière », « le plus rapidement possible », de Cécile Kohler et Jacques Paris, a fait savoir l’Elysée.
• Une liberté « sous surveillance »
Les autorités iraniennes considèrent pour le moment que les deux Français sont en « libération conditionnelle », « libérés sous caution » et « placés sous surveillance jusqu’à la prochaine étape judiciaire ». Le ministre français des Affaires étrangères Jean Noël Barrot a déclaré sur X que les otages étaient « en sécurité » à la résidence de l’ambassadeur de France à Téhéran et « en attente de leur libération définitive ».
Le chef de la diplomatie française a souligné mercredi sur RTL que la France n’avait « pas de certitude sur le moment où » la libération définitive de Cécile Kohler et Jacques Paris interviendrait. « Mais nous n’allons ménager aucun effort pour obtenir leur retour en France dans les meilleurs délais », a promis le ministre. Leur sortie de prison « n’est qu’une étape, et nous allons continuer à nous mobiliser sans relâche pour obtenir leur libération définitive ».
• Un « profond soulagement »
L’annonce de la libération des deux Français a provoqué une émotion collective chez les habitants de la commune alsacienne de Soultz (Haut-Rhin) où a grandi Cécile Kohler. « Pour l’instant, la seule chose que l’on sait, c’est qu’ils sont sortis de la prison. Pour nous ça, c’est un immense soulagement. On sait qu’ils ne sont plus soumis à ce traitement inhumain auquel ils avaient droit », se sont réjouis mardi auprès de l’Agence France-Fresse Pascal et Mireille Kohler, les parents de Cécile.
C’est également un « profond soulagement » pour leurs avocats, Martin Pradel, Chirinne Ardakani, Emma Villard et Karine Rivoallan, qui émettent tout de même une réserve sur leur « liberté », selon un communiqué. « Empêchés de regagner la France et de retrouver leurs familles, ils demeurent privés de liberté, désormais sous la forme d’une interdiction de quitter la République islamique d’Iran », selon un communiqué..
Considérés comme des « otages d’Etat » par Paris, Cécile Kohler et Jacques Paris étaient les deux derniers Français officiellement détenus en Iran. La professeure de lettres de 41 ans et l’enseignant retraité de 72 ans avaient été arrêtés le 7 mai 2022, au dernier jour d’un voyage touristique en Iran. Accusés d’espionnage au profit des renseignements français et israélien, ils n’ont cessé de clamer leur innocence durant leur incarcération de 1 277 jours.
• Quel est leur état de santé ?
En attendant la visite d’un médecin dépêché par les services diplomatiques français, l’ambassadeur Pierre Cochard a assuré qu’ils allaient bien et a donné quelques éléments sur le déroulé de leur libération dans les médias.
« On s’est rendu à la prison d’Evin, qui est au nord de Téhéran. L’ambassade se trouve plutôt au centre, donc il y a un trajet important. On s’est présentés, il y avait plusieurs portes à franchir, une barrière. Cela a pris un peu de temps, en coordination avec les autorités iraniennes », a expliqué le diplomate. « Les grandes portes de la prison d’Evin se sont ouvertes, et on a pu croiser le regard de Cécile et Jacques », qui « avaient été informés à la dernière minute » de leur sortie.
« C’est évidemment un moment qu’on n’oublie pas », a dit Pierre Cochard. « Les premiers mots, c’étaient des larmes, des sourires mêlés de larmes. On est restés quelques instants ensemble et puis ensuite on est montés dans la voiture » pour gagner l’abri de l’ambassade.
• Mahdieh Esfandiari, l’Iranienne réclamée par Téhéran en échange de Kohler et Paris
Depuis une dizaine d’années, l’Iran multiplie les arrestations de ressortissants occidentaux, les accusant le plus souvent d’espionnage, afin de les utiliser comme monnaie d’échange pour relâcher des Iraniens emprisonnés dans des pays occidentaux ou afin d’obtenir des gages politiques. Au moins une vingtaine d’Occidentaux seraient encore détenus, selon des sources diplomatiques.
Dans le cas de Cécile Kohler et Jacques Paris, Téhéran a rendu publique le 11 septembre la possibilité d’un accord de libération des deux Français en échange de Mahdieh Esfandiari, une Iranienne arrêtée en France en février pour avoir fait la promotion du terrorisme sur les réseaux sociaux.
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Possible monnaie d’échange avec Cécile Kohler et Jacques Paris, l’Iranienne Mahdieh Esfandiari, qui se trouve désormais selon Téhéran à l’ambassade d’Iran, a été détenue puis poursuivie pour « apologie du terrorisme » en France, où la justice a programmé un procès pour janvier. Mahdieh Esfandiari avait obtenu le 22 octobre, contre l’avis du parquet, sa libération assortie d’un contrôle judiciaire lui interdisant de quitter la France, jusqu’à son procès.
« Notre citoyenne en France, Mme Esfandiari, est à présent libre, elle se trouve dans notre ambassade et nous espérons qu’elle rentrera quand son procès sera achevé », a déclaré le chef de la diplomatie iranienne Abbas Araghchi.

