Narges Mohammadi dans son appartement à Téhéran, en Iran, le 23 janvier 2025. NOOSHIN JAFARI / MIDDLE EAST IMAGES VIA AFP
Le régime des mollahs continue de frapper. Les forces de sécurité iraniennes ont arrêté la lauréate du prix Nobel de la paix 2023, Narges Mohammadi, lors d’une cérémonie en mémoire d’un avocat décédé, ont annoncé ce vendredi 12 décembre son comité de soutien et sa famille. Le comité Nobel norvégien a condamné une arrestation « brutale », appelant à sa libération.
• Au moins neuf « violentes arrestations »
Selon un message publié sur X par la Fondation Narges Mohammadi, elle a été « violemment » interpellée par les forces de sécurité et de police lors d’un événement en hommage à Khosrow Alikordi, un avocat décédé la semaine dernière « dans des circonstances suspectes », dans la ville orientale de Mashad. Son avocate française, Me Chirine Ardakani, a également confirmé l’information à l’AFP, tout comme son mari Taghi Rahmani, basé à Paris.
Selon un de ses frères, Hamid Mohammadi, qui vit à Oslo, elle a été « frappée aux jambes et saisie par les cheveux ». Lors de ses précédents passages en prison, « elle a eu beaucoup de complications : ses poumons, son cœur, elle a subi plusieurs opérations », a-t-il dit à l’AFP. « Je ne suis pas inquiet qu’elle ait été arrêtée. Elle l’a été à de multiples reprises, mais ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’ils mettent sous pression son état physique et psychologique », a-t-il ajouté.
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Au moins huit autres personnes ont été arrêtées avec elle, dont une autre célèbre militante, Sepideh Gholian, avec qui elle a été détenue par le passé. « Ces violentes arrestations constituent une atteinte scandaleuse à l’encontre de tous les défenseurs des droits humains et journalistes en Iran, et témoignent clairement d’une nouvelle vague de répression contre la liberté de réunion, la liberté de la presse et les droits humains », a dénoncé le comité de soutien à Narges Mohammadi.
• Narges Mohammadi, sans voile, scande des slogans
L’ONG américaine Human Rights Activists News Agency (HRANA) a publié des images de Narges Mohammadi aux côtés d’une foule d’autres soutiens, sans porter le voile. Ils scandaient des slogans tels que « Vive l’Iran », « Nous luttons, nous mourons, nous n’acceptons aucune humiliation » et « Mort au dictateur », lors de la cérémonie qui, conformément à la tradition islamique, marquait sept jours depuis la mort de Khosrow Alikordi. D’autres images diffusées par des chaînes de télévision en langue persane basées hors d’Iran ont montré Narges Mohammadi grimpant sur un véhicule et encourageant les gens à scander des slogans.
Khosrow Alikordi, 45 ans, avait notamment défendu des personnes arrêtées lors de la répression des manifestations de 2022. Son corps a été retrouvé le 5 décembre, et des groupes de défense des droits humains ont réclamé une enquête sur sa mort, l’ONG Iran Human Rights, basée en Norvège, affirmant qu’il y avait « de très sérieux soupçons d’un meurtre d’État ».
Narges Mohammadi avait soutenu avec force cette vague de manifestations déclenchées par la mort en détention de Mahsa Amini. La jeune femme avait été arrêtée par la police des mœurs pour un voile prétendument mal ajusté, en infraction avec le code vestimentaire en vigueur.
• Le gouverneur fait état d’arrestation de « militants politiques »
L’agence de presse iranienne Mehr, citant le gouverneur de Mashad, Hassan Hosseini, a fait état de l’arrestation de plusieurs « militants politiques ». Ils ont été placés en garde à vue « pour avoir scandé des slogans contraires aux normes », alors que « la cérémonie devait se dérouler dans le calme », a-t-il dit sans mentionner nommément Narges Mohammadi.
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« Quand des citoyens pacifistes ne peuvent pas pleurer un mort sans être frappés et embarqués de force, cela révèle un gouvernement qui a peur de la vérité et de devoir rendre des comptes », a commenté Hadi Ghaemi, directeur exécutif du Centre pour les droits de l’homme en Iran (CHRI), dont le siège est à New York. « Cela démontre aussi l’extraordinaire courage des Iraniens qui refusent de renoncer à leur dignité », a-t-il estimé.
• Narges Mohammadi récompensée pour son combat contre l’oppression des femmes
Narges Mohammadi, 53 ans, maintes fois condamnée et emprisonnée, a été récompensée en 2023 pour « son combat contre l’oppression des femmes en Iran et pour la promotion des droits de l’homme et de la liberté pour tous » et était en liberté provisoire depuis décembre 2024 pour raisons de santé.
« Depuis la suspension de sa peine il y a un an, Narges Mohammadi était menacée d’une nouvelle incarcération : aujourd’hui, les autorités iraniennes ont mis leurs menaces à exécution, déplore son comité de soutien. Notre mobilisation se poursuivra jusqu’à ce que Narges Mohammadi et tous les défenseurs des droits humains et journalistes détenus soient libérés sans condition. Ils doivent être libérés immédiatement. »

