November 4, 2025

Un rapport décrit comment les géants d’internet dépensent des milliards pour influencer Bruxelles

l’essentiel
Selon un rapport de Corporate Europe Observatory, les budgets de lobbying des grandes entreprises technologiques ont atteint des niveaux inédits à Bruxelles. Un record qui interroge la capacité de l’Union européenne à résister à l’influence de groupes qui dépensent désormais plus que les lobbys de la finance, de l’énergie ou de la pharmacie.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2025, les grandes entreprises technologiques ont consacré 151 millions d’euros à leurs activités de lobbying auprès des institutions européennes. Une somme colossale, en hausse de plus de 30 % en deux ans, révélée par le rapport conjoint de Corporate Europe Observatory (CEO) et LobbyControl. Jamais le secteur numérique n’avait autant investi pour influencer les politiques publiques du continent.

Ce déploiement de moyens fait de la “Big Tech” – Meta, Microsoft, Apple, Amazon, Google, Qualcomm et leurs alliés – le premier lobby économique de Bruxelles, devant l’énergie, la finance ou la pharmacie. À eux seuls, ces géants pèsent près d’un tiers des dépenses déclarées, mobilisant quelque 890 lobbyistes à temps plein, dont près de la moitié disposent d’un badge d’accès permanent au Parlement européen. Le rythme de leurs rencontres illustre cette puissance : plus d’une réunion par jour ouvrable avec la Commission ou les eurodéputés.

Top 10 des lobbyistes de l’industrie numérique
Top 10 des lobbyistes de l’industrie numérique
DR

Derrière cette offensive méthodique, l’enjeu est clair : peser sur la régulation numérique européenne. Depuis l’entrée en vigueur du Digital Services Act (DSA) et du Digital Markets Act (DMA), Bruxelles tente d’encadrer les plateformes dominantes, de protéger les consommateurs et de limiter les abus de position. Mais ces textes, salués comme des avancées démocratiques, suscitent une contre-offensive d’ampleur. Le rapport souligne que les multinationales cherchent à “adoucir” ou retarder leur application, notamment sur la transparence des algorithmes, la modération des contenus ou le partage des données.

La bataille se déplace désormais vers le champ de l’intelligence artificielle. Le futur AI Act européen, premier cadre légal au monde pour encadrer cette technologie, concentre toutes les attentions. Les entreprises du secteur plaident pour une régulation “souple” au nom de la compétitivité et de l’innovation. Mais les ONG à l’origine du rapport alertent sur le risque d’un affaiblissement des garanties démocratiques, si les décideurs européens cèdent aux arguments économiques des firmes américaines.

Pour Corporate Europe Observatory, ce système menace l’équilibre démocratique

Cette montée en puissance du lobbying interroge aussi la transparence du processus décisionnel européen. Si le registre de transparence offre une visibilité partielle sur les montants engagés et les rencontres organisées, il ne permet pas toujours de retracer les financements indirects : think-tanks, cabinets de conseil, associations ou centres de recherche qui, souvent, reprennent les positions de l’industrie sans l’afficher. L’influence se déploie désormais sous des formes diffuses : campagnes d’image, financement d’événements ou d’experts, participation à des groupes de travail techniques.

Pour Corporate Europe Observatory, ce système menace l’équilibre démocratique : “Les décisions qui concernent des millions de citoyens se négocient dans des cercles restreints, où la voix des entreprises domine”. L’organisation appelle la Commission à renforcer les règles d’éthique et d’accès aux institutions, et à protéger les mécanismes de contrôle prévus par le DSA et le DMA.

source

TAGS: