L’association Parole de Femmes voit dans la condamnation de Cédric Jubillar, un signal fort pour toutes les victimes de violences conjugales. Mais elle s’inquiète également de certaines “dérives” du procès.
L’association Paroles de Femmes accompagne chaque année 300 victimes de violences conjugales dans le Tarn. Sa coprésidente, Fabienne Laborde Milaa nous livre son regard sur le procès Jubillar, qui vient de se solder par la condamnation de Cédric Jubillar, à 30 ans de réclusion criminelle.

Comment avez-vous accueilli le verdict de l’affaire Jubillar ?
Avec soulagement. On salue le fait que la culpabilité de M. Jubillar ait été prononcée. Que le verdict ait reconnu un meurtre conjugal, un féminicide. Le fait qu’il n’y ait pas eu de corps, d’aveu, de scène de crime n’a pas empêché ce verdict de culpabilité.
Vous avez qualifié ce verdict de “signal fort”. Pourquoi ?
Parce que les mécanismes de violence conjugale ont été évoqués lors du procès : le dénigrement, l’emprise, la surveillance, la coercition, les violences sur les enfants… Tous ces éléments ont été retenus à la charge de l’accusé pour le condamner malgré l’absence de corps, de scène de crime et d’aveux.
Y aura-t-il un avant et un après Jubillar dans le Tarn ?
On l’espère. Nous œuvrons pour sensibiliser aux violences systémiques exercées par un genre sur un autre. Plus de 200 000 femmes sont victimes de violences conjugales chaque année. Nous espérons que ce procès donnera le courage aux victimes de frapper à la porte de nos associations spécialisées et de porter plainte.
“On sait que la rupture est un moment où le risque de passage à l’acte est très élevé”
Avez-vous constaté un impact sur votre travail de terrain ?
Le nombre de femmes accueillies augmente un peu plus chaque année : nous en accompagnons environ 300 par an, avec une petite progression d’année en année. Mais là où le procès a le plus joué, c’est sur le nombre de bénévoles, qui ont été nombreux à frapper à notre porte à la suite de la forte médiatisation ce procès. Beaucoup de femmes, qui souhaitent agir et apporter leur soutien aux victimes.
Pour autant, vous dénoncez aussi le traitement médiatique de cette affaire…
Nous avons pu constater des dérives dans certains médias. L’affaire a parfois été utilisée comme un feuilleton à sensation, avec des termes désincarnés. Parler de “la disparue du Tarn” a un côté sensationnaliste, alors qu’il s’agit d’une victime de violence de la part de son époux. Le terme de “féminicide” était peu présent dans la couverture de ce procès.
La loi ne prévoit-elle pas le respect de la présomption d’innocence ?
Bien sûr. Et il faut la respecter. Mais je note que dans la masse des articles et des interviews qui ont été produits sur cette affaire, cette analyse sous l’angle des violences conjugales est peu présente. Elle est pourtant nécessaire car elle aide les femmes qui ont l’intention de quitter leur conjoint de se reconnaître, d’être dans une vigilance accrue. On sait que la rupture est un moment où le risque de passage à l’acte est très élevé.
“Si on se sent en danger, il faut aller porter plainte”
Comment mieux aider les femmes qui se sentent en danger lors d’une rupture ?
Il y a plusieurs dispositifs, comme les mises à l’abri et les hébergements d’urgence. L’idée est aussi de préparer le départ, d’avoir ses propres ressources financières, un compte en banque à soi, et des gens de confiance. Si on se sent en danger, il faut aller porter plainte et utiliser le téléphone grand danger.
Comment se porte l’accompagnement des femmes victimes de violences dans le Tarn ?
Nous avons un réseau de partenaires riches. Nous avons développé un réseau de relais ruraux, des citoyens sensibilisés aux violences conjugales, pour repérer les victimes et les orienter vers nos associations. Nous travaillons aussi à la sensibilisation et la formation des acteurs sur les mécanismes spécifiques des violences. Nous faisons des formations auprès de professionnels du social, de la police, et des sensibilisations auprès de la gendarmerie.

