Jusqu’au 24 novembre 2025, l’explorateur et médecin Jean-Louis Étienne repart pour Clipperton, unique atoll corallien du Pacifique Est. Vingt ans après sa première expédition, il conduit une nouvelle mission scientifique et écologique, entre recherche, pédagogie et diplomatie environnementale.
Dans une France qui oscille entre morosité et inquiétudes économiques et politiques, voilà que l’un des plus célèbres de nos explorateurs contemporains nous invite à prendre le large, à sortir de la grisaille du quotidien pour voir plus loin. Vingt ans après sa première expédition à Clipperton, le médecin-explorateur tarnais Jean-Louis Etienne conduit une nouvelle mission scientifique et écologique, entre recherche, pédagogie et diplomatie environnementale, sur l’unique atoll corallien du Pacifique Est.
« Témoigner, mesurer et protéger »
« Clipperton est un lieu de mémoire et d’avenir pour la science française. Vingt ans après notre première mission, nous revenons pour témoigner, mesurer et protéger », assure Jean-Louis Étienne. À bord du voilier océanographique Persévérance qui a quitté San Diego il y a sept jours, il doit rejoindre, après plus de dix jours de navigation, l’atoll de la Passion avec sa directrice d’expédition Elsa Peny-Étienne. Ce territoire français isolé à plus de 1 000 kilomètres du Mexique est l’un des environnements marins les plus reculés et les moins altérés du globe.

Clipperton, minuscule anneau corallien perdu dans le Pacifique Est, constitue une exception géologique et biologique. Son isolement en fait un observatoire privilégié de la biodiversité et des changements climatiques. Les chercheurs y trouvent une archive naturelle unique, témoin des grands cycles océaniques. Ce site, à la fois sanctuaire et laboratoire, concentre les tensions contemporaines entre exploration, science et préservation.
En 2004-2005 une mission pionnière
En 2004, Jean-Louis Étienne y avait conduit une mission pionnière rassemblant biologistes, climatologues, géologues et chimistes. Pendant quatre mois, l’équipe avait alors réalisé un « État de la Nature » de l’atoll : identification des espèces, analyse des sédiments, évaluation des impacts humains. De cette aventure collective étaient nés un livre (« Clipperton, l’atoll du bout du monde », éd. Seuil/7e Continent) et un film documentaire de Luc Marescot et Pascal Plisson, qui avaient contribué à faire connaître l’atoll au grand public et à sensibiliser les institutions à sa valeur scientifique.
La nouvelle expédition Clipperton 2025 reprend le flambeau avec des objectifs élargis. Elle s’inscrit dans une démarche de long terme pour la création d’une Aire Marine Protégée étendue, essentielle à la sauvegarde de la plus grande colonie mondiale de fous masqués. Espèce bio-indicatrice, cet oiseau symbolise la fragilité du réseau trophique de l’atoll, menacé par la pêche industrielle. Jean-Louis Étienne, membre du conseil consultatif de Clipperton auprès du ministère des Outre-mers, plaide pour une protection renforcée appuyée par la Fondation Europe Jacques Delors.
Expédition scientifique mais aussi projet éducatif
Deux autres volets majeurs structurent la mission. Le premier concerne la prolifération récente de rats noirs, introduits accidentellement par des navires échoués. La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) mènera une étude préliminaire en vue d’une future dératisation, indispensable pour préserver les espèces marines nichant au sol, directement exposées à la prédation. Le second volet, consacré à la pollution plastique, prolonge les observations initiées en 2005. Véritable « piège océanique », Clipperton concentre hélas les déchets venus du continent américain. L’océanographe mexicaine Viviane Solis conduira une étude sur les microplastiques et microcontaminants, afin de documenter leur accumulation et leurs effets sur la faune.

Mais Clipperton 2025 n’est pas qu’une expédition scientifique. C’est aussi – comme souvent avec Jean-Louis Etienne et Elsa Peny-Étienne – un projet éducatif d’envergure, fidèle à la volonté de transmission de son initiateur. Grâce au PolarPODibus et à l’ePOD – le volet pédagogique qui accompagne le futur bateau révolutionnaire PolarPOD – des milliers d’élèves suivront en temps réel les découvertes réalisées sur ce territoire extrême. Par ce lien entre science et pédagogie, Jean-Louis Étienne s’inscrit assurément dans la grande filiation des expéditions qui ont façonné notre regard sur la planète : celles de Humboldt, Darwin ou Cousteau. Toutes partageaient une même conviction : explorer, c’est comprendre pour protéger.

