October 23, 2025

Retraites : pourquoi Emmanuel Macron ne lâche pas sa réforme

l’essentiel
En visite en Slovénie, Emmanuel Macron a refusé d’admettre que la réforme serait suspendue, préférant le terme de décalage, au risque de mettre en difficulté son Premier ministre qui vient de trouver un accord avec les socialistes sur le sujet.

Dans le monde du foot, ça s’appelle un CSC : un but Contre Son Camp. Alors qu’Emmanuel Macron semblait avoir accepté l’idée d’une suspension de la réforme des retraites, en déplacement en Slovénie mardi, il a nuancé sa position : Sébastien Lecornu « a fait un choix pour apaiser le débat actuel », mais cela ne signifie « ni l’abrogation ni la suspension » de la réforme de 2023, seulement un « décalage d’une échéance ». Stupeur et tremblements dans les rangs macronistes, voilà le Président reniant le mot magique qui avait permis de sceller un accord de non-censure avec les socialistes.

« Suspension »… Dans son discours de politique générale, le Premier ministre avait pris soin de prononcer ces trois syllabes essentielles afin d’offrir une victoire claire à la gauche qui la réclamait en échange de son soutien. La chose n’était pas allée de soi, Sébastien Lecornu avait longuement hésité mais avait constaté que sans cette concession aucun accord n’était envisageable. Jeudi, recevant quelques parlementaires à l’Élysée, Emmanuel Macron avait semblé s’en accommoder. « Il nous a vraiment fait le SAV (Service Après-Vente) de la suspension. Il nous a expliqué qu’il fallait en passer par là pour relancer les discussions budgétaires », nous confiait hier un député présent lors de cette réunion.

Le Président a-t-il voulu reprendre la main ?

Le Projet de Loi de Finances (PLF), enfin présenté à l’Assemblée et en cours de discussion en commission, le Président a-t-il voulu reprendre la main ? Montrer que sa réforme n’était pas en état de mort clinique ? « Il a voulu dire que la suspension ne signifiait pas que le chantier de la réforme des retraites était enterré », tente un député qui ajoute, bien peu sûr de lui : « ça vous va comme explication ? C’est cohérent, non ? ».

Mais quelques minutes plus tard, le même avoue son incompréhension, car sur les marchés où il fait campagne pour les municipales « personne ne nous demande de ne pas suspendre, bien au contraire, les gens veulent que l’on trouve un accord avec les socialistes ». Or la déclaration du Président fragilise le socle que le Premier ministre avait difficilement réussi à cimenter ces derniers jours. Et la présentation, hier en Conseil des ministres, d’une lettre rectificative actant la suspension n’a rassuré personne. CSC…

Depuis que la crise du Covid a contraint Emmanuel Macron de renoncer à sa grande réforme des retraites, le Président n’a eu de cesse de tenter d’en sauver l’essentiel, envers et contre tout. Il en a fait l’un des points forts de sa seconde campagne. Le 10 avril 2022, Alexis Kohler, alors secrétaire général de l’Élysée, nous assurait : « les gens ont totalement accepté l’idée qu’il fallait repousser l’âge de départ à 65 ans, la réforme des retraites, c’est déjà derrière eux ».

Mais le lendemain, en déplacement à Denain, dans le nord de la France, le Président candidat était interpellé de nombreuses fois sur le sujet et se voyait contraint de proposer « une clause de revoyure à 64 ans ». L’affaire était mal engagée. Elle le restera. Des semaines de manifestations et un 49.3 plus tard, le pays rejette toujours la réforme à laquelle le Président semble plus que jamais attaché. Étrange bras de fer entre un Président et ses électeurs.

Le Président se cabre toujours à l’idée d’une simple mise sur pause.

Si Emmanuel Macron a bien été obligé de donner carte blanche à Sébastien Lecornu, il se cabre toujours à l’idée d’une simple mise sur pause. En Slovénie, le Président a même évoqué la possibilité d’organiser un référendum sur le sujet, comme il l’avait déjà fait durant la campagne de 2022… Celui-ci pourrait reprendre les propositions faites par la conférence qui réunira prochainement les partenaires sociaux sur le sujet.

Mais selon un récent sondage, les deux tiers des Français (65 %) voteraient alors pour l’abrogation de la réforme des retraites. De quoi décourager une nouvelle fois le Président ? Perdre un référendum ce n’est pas un but Contre Son Camp mais un but contre soi-même.

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