La propagation du feu, accélérée par la déprise agricole, mérite un sursaut collectif. Pour la Confédération paysanne de l’Aude, une politique foncière et agricole doit participer à la prévention et la protection contre les incendies.
“À Beauregard, nous avons été au centre du dernier gigantesque incendie, décrit Karine Mirouze. Quel choc ! On s’est dit : il y a un fou qui est en train d’embraser les Corbières. Et nous, on est au milieu ! Pendant plus de 48 heures, on est restés sans eau, sans électricité, avec les avions qui tournaient autour… On a fait partir les gens qui travaillent ici et on est restés, Nicolas et moi, pour guider les pompiers. Et ça nous a replongés dans le cauchemar du 17 août 2021, veille de vendange. À une heure du matin, un incendie sur le domaine : 90 hectares brûlés, les fumées qui tombent sur le raisin et qui rendent le vin imbuvable…”.
“Le coût des incendies est colossal”
Des témoignages forts d’agriculteurs qui peuvent en quelques heures perdre leur domaine, avec la propagation fulgurante de flammes attisées par un vent violent. Outre le constat : “On est en danger !”, ces agriculteurs, membres du syndicat agricole la Confédération paysanne, mettent le doigt sur la nécessité d’agir très vite, en émettant des propositions. Parmi elles, le redéploiement de l’élevage extensif cohérent sur le territoire qui existait dans le temps : “Le coût des incendies est colossal. Si on mettait cet argent-là pour soutenir l’élevage, les installations, la réouverture des milieux, on pourrait éviter beaucoup de dépenses et de peurs”, explique Yohann Lecocq. “L’Espace méditerranéen a besoin d’entretenir les milieux et le moins cher, ce sont les animaux ! Il faut se mettre autour de la table, nous, les agriculteurs, avec le SDIS, l’ONF, les élus, la chambre d’agriculture, et s’interroger sur la place de la pinède. L’objectif, c’est de pratiquer des ouvertures dans les massifs. Il faut faire venir des troupeaux dès cet automne, quand les espaces incendiés sont devenus verts, avant qu’ils ne se referment car il faut réouvrir de manière sélective des milieux dans la plupart des massifs”, souligne Yann Vetois, éleveur à Fanjeaux. L’éleveur cite des exemples de pâture méditerranéenne : le sylvopastoralisme, à mi-chemin entre des pâtures et de la forêt présente l’une des solutions. “Ce sont des boisements où on a 20, 40, 50 arbres par hectare. Entre l’Espagne et le Portugal, sur des plateaux de chêne vert avec des arbres parsemés, on trouve des vaches et des cochons. Et il n’y a jamais d’incendie dans ces zones-là”.
De l’eau pour des cultures alternatives à la vigne
Les adhérents à la Conf’ pointent du doigt “les rapaces du photovoltaïque à l’affût” des terres désertées après l’arrachage. “Les chasseurs ont fait le plus gros travail de lutte contre les incendies”. Et ils remettent en cause les stratégies mises en place pour la filière viticole : “L’argent arrive pour de l’arrachage avec des sommes qui ne permettent pas de partir dignement, il faut donner plus avec un engagement à la clé pour cultiver autre chose derrière”. La Conf’a évolué sur la problématique de l’irrigation, et n’est pas défavorable aux retenues collinaires pour un stockage de l’eau là où c’est nécessaire. “Que cette eau serve à cultiver autre chose que de la vigne et des céréales, en rotation avec de la luzerne par exemple, pour soutenir l’agriculture dans des zones où ça produit deux fois moins”.