Le nouveau président élu de Bolivie, Rodrigo Paz, le 19 octobre 2025. MARTIN BERNETTI / AFP
Le président élu de centre droit Rodrigo Paz s’est félicité dimanche de voir la Bolivie « peu à peu retrouver sa place sur la scène internationale », après avoir remporté le second tour de l’élection présidentielle, mettant fin à vingt ans de gouvernements socialistes.
• « Capitalisme pour tous »
Si, comme son adversaire, Rodrigo Paz prônait pendant la campagne des politiques fondées sur une forte réduction des dépenses publiques – notamment des subventions aux carburants – et une plus grande ouverture au secteur privé, il a aussi défendu un « capitalisme pour tous » fondé sur la décentralisation et la rigueur budgétaire avant tout nouvel endettement. Son rival, plus radical, plaidait pour une ouverture totale aux marchés internationaux et le recours à de nouveaux crédits.
A lire aussi
Interview
Défaite de la gauche en Bolivie : « Une sanction des socialistes du MAS et de la gestion économique du pays »
« Il faut ouvrir la Bolivie au monde et lui redonner un rôle », a lancé Rodrigo Paz, crédité de 54,6 % des voix après le dépouillement de 97,8 % des bulletins, selon le Tribunal suprême électoral (TSE). Son adversaire de droite Jorge « Tuto » Quiroga obtient 45,4 % des suffrages. « Paz a gardé un ton très calme, très centriste », souligne la politologue Daniela Keseberg, interrogée par l’AFP. « Il connecte bien avec la population, on sent que les gens l’aiment (…) il a touché ceux qui veulent un changement, mais pas un changement radical. ».-
• Appel à « l’unité et la réconciliation »
Héritier d’une influente dynastie politique, Rodrigo Paz est un modéré au ton populiste qui se présente comme un homme de consensus. « J’ai appelé Rodrigo Paz Pereira pour le féliciter », a déclaré Jorge Quiroga, reconnaissant sa défaite. Devant la presse, le populaire vice-président élu, Edmand Lara, a appelé « à l’unité et à la réconciliation entre les Boliviens ». Les résultats des élections illustrent en effet la fracture traditionnelle du pays : l’Est, plus conservateur et prospère, a majoritairement voté pour son rival de droite Jorge Quiroga, tandis que l’Ouest, plus modeste et à forte population indigène, a soutenu Rodrigo Paz.
Dans un communiqué, le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio a félicité le président élu, saluant « une occasion de transformation », après « deux décennies de mauvaise gestion ». Il a ajouté que les Etats-Unis étaient prêts à coopérer avec la Bolivie sur la sécurité régionale, les investissements et la lutte contre l’immigration illégale.
• Un pays englué dans une crise économique
Rodrigo Paz accède au pouvoir dans un pays qui, sous Evo Morales (2006-2019), a poussé très loin le virage à gauche : nationalisation des ressources énergétiques, rupture avec Washington, alliances avec le Venezuela d’Hugo Chavez, Cuba, la Chine, la Russie ou encore l’Iran. Le président élu succédera le 8 novembre à l’impopulaire Luis Arce, qui a renoncé à se représenter et quittera le pouvoir au terme d’un mandat de cinq ans marqué par la pire crise économique que le pays ait connue en quarante ans.
A lire aussi
Récap
Mobilisations, marche contre l’inflation, rivalités au sein du MAS… Que se passe-t-il en Bolivie ?
La chute des exportations de gaz, due au manque d’investissements, a tari les réserves en dollars et rendu intenable la coûteuse politique de subvention des carburants. Faute de devises pour les importer, la pénurie d’essence et de diesel s’aggrave et les prix s’envolent. L’inflation annuelle dépasse à présent 23 %, et les longues files de véhicules attendant un hypothétique réapprovisionnement des stations-service sont devenues banales dans ce pays presque deux fois plus grand que la France, mais avec 11,3 millions d’habitants.
• Le défi des alliances au Parlement
Le président élu ne disposera toutefois pas d’une majorité au Parlement, ce qui va le contraindre à former des alliances. Arrivé en tête du premier tour en août, il dispose cependant du groupe parlementaire le plus important, avec 49 députés et 16 sénateurs, devant celui de Jorge Quiroga (39 et 12).
• L’ombre d’Evo Morales
Le nouveau président élu devra également faire face à la vive opposition d’Evo Morales, toujours populaire parmi les Boliviens autochtones notamment. Inéligible, l’ancien président n’a pas pu se présenter à la présidentielle. Mais il continue de peser sur la vie politique. Premier chef d’Etat amérindien du pays, il a appelé au vote nul au premier tour : les bulletins invalides ont atteint 19,8 % des voix, un record depuis 2002.