Des partisans du groupe Palestine Action lors d’une manifestation à Londres, au Royaume-Uni, le 9 août 2025. PICTURE AGENCY/SHUTTERSTOCK/SIPA
Plus de 500 personnes ont été arrêtées samedi 9 août à Londres au cours d’une manifestation de soutien à l’organisation Palestine Action, interdite début juillet et classée « organisation terroriste », a annoncé la police londonienne.
Celle-ci a procédé à ces interpellations – un des plus grands nombres pendant une seule manifestation dans la capitale britannique – pour « soutien à une organisation interdite ». « Le Nouvel Obs » fait le point sur ces arrestations, dénoncées notamment par l’ONG Amnesty International.
• Que s’est-il passé lors de la manifestation ?
Samedi après-midi, plusieurs centaines de manifestants propalestiniens – entre 500 et plus de 800, selon les sources – se sont rassemblées à proximité du British Museum et en face du Parlement britannique. « Au sein de la foule, un nombre important de personnes arborent des pancartes exprimant leur soutien à Palestine Action, un groupe interdit », a indiqué la Metropolitan Police. Les forces de l’ordre ont précisé avoir arrêté toutes les personnes ayant brandi la pancarte « Je m’oppose au génocide, je soutiens Palestine Action ». Sur place, des manifestants ont porté d’autres pancartes comme « Agir contre le génocide n’est pas un crime » ou « Free Palestine ».
Au total, 532 personnes ont été arrêtées : 522 pour avoir soutenu l’organisation Palestine Action, en violation de l’article 13 de la loi antiterroriste de 2000, et dix autres pour des agressions contre des policiers ou pour obstruction. La police précise que l’âge moyen des personnes arrêtées est de 54 ans et qu’il y avait autant de femmes que d’hommes. Les forces de l’ordre avaient mis en garde les participants contre les « potentielles conséquences pénales » de leurs actes. Les personnes arrêtées n’ont pas opposé de résistance, beaucoup formant un « V » de la victoire avec leurs doigts, sous les applaudissements d’autres manifestants, a constaté une journaliste de l’AFP.
• Pourquoi le soutien à Palestine Action est-il interdit ?
Palestine Action a été ajoutée début juillet à la liste des organisations considérées comme « terroristes » au Royaume-Uni, après des actes de vandalisme perpétrés par ses militants, notamment sur une base de l’armée de l’air. Une décision qui a donné lieu à une action en justice entamée par Huda Ammori, cofondatrice en 2020 de cette organisation qui se présentait comme un « réseau d’action directe » visant à dénoncer « la complicité britannique » avec l’Etat d’Israël, en particulier sur la question des ventes d’armes. La justice britannique doit examiner ce recours en novembre.
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Depuis, le groupe Defend Our Juries organise des manifestations pour protester contre cette interdiction, jugée « disproportionnée » par l’ONU. Des mobilisations très suivies par des Britanniques toujours plus exaspérés de l’inaction de leur gouvernement face aux massacres à Gaza. « C’est un impératif moral d’être ici », a déclaré à l’AFP Mathilda, qui ne souhaitait pas donner son patronyme. « S’ils veulent m’arrêter, je ne m’enfuirai pas et je ne me cacherai pas », a ajouté cette septuagénaire arrivée spécialement de Bristol, à l’ouest de Londres, et qui était assise aux côtés d’autres manifestants avec la pancarte de soutien au groupe interdit. « Qu’ils nous arrêtent tous », a renchéri Richard Bull, un Londonien de 42 ans dans un fauteuil roulant. « Ce gouvernement est allé trop loin. Je n’ai rien à me reprocher. »
Une manifestante est emmenée après avoir été arrêtée par la police, le 9 août 2025. MARTIN POPE / SOPA/SIPA
• Quelles sont les réactions au Royaume-Uni ?
Il s’agit de « la plus grande arrestation massive jamais réalisée par la police métropolitaine lors d’une manifestation », a réagi Defend Our Juries sur X. « À titre de comparaison, au cours de l’année se terminant le 31 mars 2025, seulement 232 personnes ont été arrêtées au Royaume-Uni pour des activités liées au terrorisme. » « Nous continuerons tant que le gouvernement tentera de faire taire ceux qui dénoncent sa complicité dans des crimes de guerre », a ensuite assuré le groupe dans un communiqué. « Nous sommes déjà de plus en plus nombreux à nous préparer pour la prochaine vague d’actions en septembre ».
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« L’arrestation de manifestants par ailleurs pacifiques constitue une violation des obligations internationales du Royaume-Uni de protéger les droits à la liberté d’expression et de réunion, a dénoncé l’ONG Amnesty International samedi sur X. Les manifestants sur la place du Parlement n’incitaient pas à la violence et il est totalement disproportionné, voire absurde, de les traiter comme des terroristes. »
Le gouvernement travailliste affirme pour sa part que les sympathisants de Palestine Action « ne connaissent pas la vraie nature » de ce mouvement. « Ce n’est pas une organisation non violente », a assuré la ministre de l’Intérieur Yvette Cooper, disant disposer d’« informations inquiétantes » sur ses projets.
• Quelles seront les suites à ces arrestations ?
Les personnes interpellées ont été emmenées dans des centres de traitement des détenus dans le quartier de Westminster, a précisé la police. Ceux dont l’identité a pu être confirmée ont été libérés sous caution, les autres ont été emmenés dans des centres de détention à travers Londres.
« Au cours des prochains jours et semaines, les agents du Commandement antiterroriste de la police métropolitaine travailleront à constituer les dossiers nécessaires pour engager des poursuites contre les personnes arrêtées », précise un communiqué de la police publié ce dimanche. Elles encourent jusqu’à six mois de prison.
Trois personnes ont déjà été inculpées en vertu de la loi antiterroriste jeudi pour avoir exprimé leur soutien à Palestine Action. L’appartenance à un groupe interdit ou l’incitation à le soutenir peut quant à elle valoir jusqu’à 14 ans de prison.
« Ils sont devenus les symboles d’une défiance croissante envers la décision de l’État britannique d’interdire Palestine Action comme organisation terroriste, la plaçant ainsi sur un pied d’égalité avec l’État islamique et Al-Qaïda », a souligné Harriet Sherwood, journaliste au « Guardian ». Plus de 200 partisans ont déjà été interpellés avant la manifestation de samedi.