October 13, 2025

ENTRETIEN. Gouvernement Lecornu II : les LR présents, disparition des "poids lourds"… Roland Cayrol décrypte l’annonce du Premier ministre

l’essentiel
Pour le politologue Roland Cayrol, le nouveau gouvernement marque une rupture nette : départ des poids lourds politiques, arrivée de visages issus de la société civile et fragilité inédite face à la censure parlementaire.

La Dépêche du Midi : Le nouveau gouvernement a été dévoilé. Votre première réaction ?

Roland Cayrol : Ce qui frappe, c’est surtout la percée très forte de la société civile. Plusieurs ministres sont totalement inconnus du grand public, et pourtant, ils vont peser fortement sur l’activité ministérielle.

Roland Cayrol.
Roland Cayrol.
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Vous parlez d’une rupture, d’un retour à “l’esprit de 2017” ?

Exactement. C’est un peu une réédition de 2017 : l’arrivée de personnalités issues de la vie professionnelle ou sociale, sans passé politique. Des figures qui ne sont pas médiatiques, mais qui ont une vraie légitimité dans leur domaine. C’est une manière pour Emmanuel Macron de tourner la page des poids lourds politiques.

Plusieurs élus Les Républicains sont présents. Quelle lecture en faites-vous ?

Cela accentue la division au sein du parti. Bruno Retailleau, par exemple, n’a pas été suivi par tous ses troupes : plusieurs élus LR ont accepté d’entrer au gouvernement. C’est un signal fort. Et la nomination de Vincent Jeanbrun, porte-parole du parti, en est une illustration très significative.

En résumé, on dit adieu aux “têtes d’affiche” ?

Oui, on essaie en tout cas. On fait le choix de personnalités moins connues du grand public, mais reconnues dans leur milieu. Prenez Serge Papin : c’est un nom qui parle, mais pas pour les raisons politiques habituelles. Cela correspond à une volonté de renouveler les profils tout en conservant une certaine notoriété populaire.

Que change ce gouvernement par rapport à la situation d’il y a une semaine ?

On est désormais face à une vraie inconnue. Le gouvernement est composé en grande partie de ministres sans expérience politique, et il devra affronter une Assemblée où plane la menace constante d’une motion de censure. C’est un gouvernement doublement en danger : par sa composition, d’abord, et par sa faiblesse parlementaire.

Ce manque d’expérience ne risque-t-il pas d’aggraver la situation ?

Il y a un danger réel, oui. Mais les sujets susceptibles de provoquer une censure — comme la réforme des retraites — sont déjà identifiés. Les nouveaux ministres prendront plutôt en charge des secteurs où le risque politique immédiat est limité. Et sur les dossiers sensibles, Sébastien Lecornu et quelques ministres chevronnés, assurent la ligne.

Certains conservent leur poste comme Dati ou Darmanin. Étaient-ils intouchables ?

Visiblement, oui. Rachida Dati reste malgré ses mises en examen, c’est une figure insubmersible. Darmanin, lui, c’est encore plus surprenant : il reste alors même qu’il est perçu comme un candidat potentiel à la présidentielle.

Trois heures d’entretien entre Emmanuel Macron et le Premier ministre avant l’annonce : cela dit quelque chose ?

Oui, que le Premier ministre reste sous la tutelle du Président. Il a une marge, mais pas une liberté totale. C’est un équilibre subtil, typiquement macronien.

Et la suite, Roland Cayrol ?

Elle est ouverte. Tout est écrit pour une censure, mais il existe un petit “trou de souris” : si le Premier ministre gère habilement la déclaration de politique générale et le budget, il peut durer plus longtemps qu’on ne l’imagine. Rien n’est joué.

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