October 8, 2025

ENTRETIEN. Prix de l’essence : pourquoi "la baisse du prix du pétrole ne se traduit pas mécaniquement par une forte baisse à la pompe"

l’essentiel
Alors que les cours du pétrole sont relativement bas, pourquoi les automobilistes français n’en ressentent qu’un impact limité ? L’analyse de Philippe Charlez, expert en énergie et ingénieur des Mines.

Où se situent aujourd’hui les prix du pétrole ?

On peut dire qu’ils sont un peu bas, autour de 65 dollars le baril, dans une phase de stabilisation. Ce n’est pas un point bas historique, juste une variation classique de 5 à 10 % depuis l’été. Ce mouvement semble plus conjoncturel que structurel, probablement lié à des ajustements de production de l’OPEP +, sans événement géopolitique majeur derrière.

Justement, pourquoi l’OPEP + a-t-elle augmenté sa production ?

Il n’y a pas d’explication très claire à ce sujet. Cela peut venir de la mise en service de nouveaux champs ou d’accords temporaires entre pays producteurs. Rien ne laisse penser à une stratégie coordonnée ou à une annonce majeure pour l’instant.

Philippe Charlez, ingénieur des Mines de l’École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l’Institut de Physique du Globe de Paris.
Philippe Charlez, ingénieur des Mines de l’École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l’Institut de Physique du Globe de Paris.
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Quel impact cela a-t-il sur les États-Unis, premiers producteurs mondiaux ?

Les États-Unis sont presque autosuffisants, mais ils importent encore car ils consomment plus qu’ils ne produisent. Le marché pétrolier est global, très fluide. Si le prix montait ailleurs, ils exporteraient leur production pour ensuite réimporter. La différence entre les prix américains (WTI) et européens (Brent) est donc toujours minime. À l’inverse du gaz, dont le marché est très régionalisé.

À partir de quel prix les producteurs américains deviennent-ils rentables ?

Aujourd’hui, leur point mort se situe entre 30 et 35 dollars. À 65 dollars, ils gagnent très bien leur vie. On dit souvent que ce prix satisfait tout le monde : ni trop cher pour les consommateurs, ni trop bas pour les producteurs. Au Moyen-Orient, le seuil de rentabilité est encore plus bas, autour de quelques dollars.

N’y a-t-il pas une contradiction dans la stratégie de Donald Trump, qui incite à pomper plus tout en voulant faire baisser les prix à la pompe ?

Il faut bien distinguer le prix du pétrole de celui de l’essence. Dans un litre d’essence, le pétrole représente à peine 40 centimes. Le reste, ce sont les taxes, le raffinage, le transport. Trump peut toujours promettre de faire baisser les prix, mais il n’a pas de levier réel sur un marché mondial aussi intégré. C’est surtout de la communication.

Les prix à la pompe en France sont repassés sous 1,60 euro… pourquoi la baisse n’est-elle pas plus marquée ?

Même si le pétrole baisse de 10 %, cela ne fait que 5 centimes de moins à la pompe. Le brut ne représente qu’un tiers du prix final. Et souvent, quand le pétrole baisse, les coûts de distribution et de raffinage augmentent un peu. Donc non, une baisse du pétrole ne se traduit pas mécaniquement par une forte baisse à la pompe.

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