October 6, 2025

Curé soupçonné d’agressions sexuelles : "J’ai agi en mon âme et conscience", affirme l’évêque d’Agen

l’essentiel
Dimanche à l’heure de la messe, un prêtre a été dépêché à la paroisse de Tonneins pour expliquer l’absence du curé de tutelle Philippe d’Halluin qui fait l’objet d’une procédure extrajudiciaire ecclésiastique relevant du droit canon et qui a été mis en retrait par l’évêque Mgr de Bucy. Le prêtre est soupçonné d’agressions sexuelles envers des mineures et des adultes fragiles

Dans la foulée, l’évêque d’Agen a adressé dimanche midi un communiqué, jouant la carte d’une totale transparence et dévoilant l’identité du prêtre actuellement en ministère à Tonneins sur lequel pèsent des soupçons d’agressions sexuelles sur mineures et adultes vulnérables. Des faits remontant à 18-20 ans pour les plus anciens et 2 020 pour les plus récents”. Monseigneur de Bucy donnait une conférence de presse ce lundi matin pour expliquer sa démarche sur des agissements entachant l’église.

“L’année dernière, j’ai reçu deux personnes qui se sont plaintes du père Philippe D’Halluin et qui lui reprocheraient des gestes inappropriés qu’aujourd’hui la justice qualifie plutôt d’agressions à caractère sexuel. Après avoir reçu ces personnes, j’ai découvert qu’il y avait eu d’autres signalements qui avaient été réalisés auprès de mes prédécesseurs. Mgr Herbreteau et de Mgr Descubes avant lui. Des signalements qui avaient été transmis à la justice auprès du Procureur de la République d’Agen. Le premier, en 2015, et le deuxième en 2022. Le premier, qui retraçait un certain nombre de cas précédents qui avaient été signalés, a été classé sans suite en 2016. Et le deuxième datant de 2022, quand je suis arrivé au diocèse d’Agen (mai 2024), était toujours un peu en cours. J’ai relancé le Procureur de la République et il a été déclaré sans suite en 2025″. Pas pour des raisons de prescription, mais de matérialité de faits, a-t-il précisé.

Les victimes présumées sont des adolescentes mineures devenues majeures pour certaines, et les faits présumés auraient été commis dans le cadre d’activités pastorales, ainsi que des adultes fragiles accompagnées par le curé à l’époque où il était aumônier du centre hospitalier départemental de la Candélie, a admis l’évêque. “On souhaite garder l’anonymat des victimes et ne pas détailler par respect pour elles, c’est déjà une démarche très difficile à faire”.

Sainte-Marie de l’Agenais et Sainte-Livrade

La période incriminée porte sur les années où le père Philippe d’Halluin exerçait son ministère au sein de la paroisse Sainte-Marie de l’Agenais et avant cela à Sainte-Livrade. Mais les faits sont antérieurs a priori à 2021, année où le père Philippe D’Halluin devient curé à Tonneins et nommé responsable de la paroisse Saint-Pierre des Rivières et administrateur de la paroisse Saint-Caprais des Moulins du Lot.

“J’ai entendu la souffrance de ces personnes. J’en ai reçu deux et je sais qu’il y en a eu d’autres avant, plusieurs. Une dizaine, confirme-t-il. Et une souffrance d’autant plus grande que finalement, la justice civile ne souhaite pas poursuivre. Ainsi, comme le recommande Rome, j’ai décidé d’ouvrir une enquête canonique. Donc là, nous ne sommes plus dans la justice civile qui a décidé de classer sans suite, mais dans la justice ecclésiastique (qui s’appuie sur le droit canon). Aussi, une enquête préliminaire a été réalisée. Et un official, d’un autre diocèse justement, a conduit l’enquête judiciaire ecclésiastique. Il a écouté un certain nombre de personnes. Il y a eu des auditions menées. Il a rassemblé tous les faits qui sont signalés. Et tout a été ensuite envoyé à Rome, à la Congrégation de la Doctrine pour la Foi, en charge de toutes ces questions. Et la Congrégation de la Doctrine pour la foi m’a demandé d’ouvrir un procès pénal extrajudiciaire à la fin de l’été”.

Monseigneur de Bucy souhaite faire toute la vérité, en ouvrant ce procès pénal ecclésiastique. “Afin que les choses soient dites, d’abord par respect pour les personnes pour qu’elles voient qu’on prend en considération leurs paroles, mais aussi pour le père Philippe d’Halluin, afin qu’il puisse préparer sa défense et qu’il puisse dire aussi son point de vue. C’est important qu’il soit entendu. Et donc pour faire ce travail, j’ai demandé au père d’Halluin de se mettre en retrait de ses multiples activités”. L’évêque rappelle la notion de présomption d’innocence, d’autant que les signalements ont été classés sans suite par la justice civile. “Il ne faut pas juger avant qu’il soit jugé. Je joue la carte de la transparence et je la jouerai tout au long de ce temps. Donc il faut vraiment laisser la justice faire son travail. Et ce n’est ni à moi, ni à vous, ni à qui que ce soit, de juger de manière précipitée et peut-être un peu rapide”.

Le procès va démarrer dans les prochains jours

Le procès devrait prendre au moins 6 mois. “Il y a un délégué qui est le juge, accompagné de deux assesseurs qui vont prendre le temps d’écouter les victimes, les intervenants sur les enquêtes, le père Philippe d’Halluin qui sera accompagné d’un avocat ecclésiastique. Et au terme de toutes ces auditions, ils vont formuler un jugement que je vais également communiquer à Rome pour prendre ensuite une décision”.

Le lieu du procès ? “Peut être ici à l’évêché, ou aussi parfois dans des paroisses pour être au plus proche des personnes”. Donc il n’y a pas de tribunal.

Il affirme avoir agi par conviction et le fait d’avoir été touché par des paroles de victimes qu’il souhaite prendre au sérieux, rompant avec l’institution qui parfois jadis, passait sous silence ce genre d’agissements : “Je crois que je ne suis pas le seul. Il y a quand même un certain nombre aujourd’hui d’évêques qui sont dans cette dynamique-là”.

Caroline Peltier, chargée de communication du diocèse d’Agen, mentionne le vrai tournant opéré en 2021 avec la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’église afin que celle-ci soit “une maison sûre”.

L’évêque a eu la volonté de déclencher l’enquête canonique, mais aussi de révéler l’affaire.

Comment se fait-il que d’un côté les signalements soient classés sans suite, de l’autre qu’un procès canonique soit ouvert ? “Je ne peux pas répondre à la place de la justice civile. Moi en mon âme et conscience, après avoir lu les témoignages et entendu les deux personnes, il m’a semblé par respect pour ces personnes-là, qu’il fallait peut-être aller plus loin. Je veux faire ce travail au niveau de la justice ecclésiale parce que je crois que la vérité est toujours gagnante. C’est l’objectif d’un conseil canonique, la vérité“.

Le procès va commencer dans les jours qui viennent. Le tribunal sera composé de clercs et de prêtres experts.

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