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Le Nouvel Obs avec AFP
Marche des fiertés à Bratislava (Slovaquie), le 28 juin 2014. SAMUEL KUBANI/AFP
Le Parlement slovaque a adopté ce vendredi 26 septembre un amendement constitutionnel limitant les droits des personnes LGBT+ et faisant primer le droit national sur le droit européen.
Le texte restreignant les droits des couples de même sexe et rendant plus difficile le changement de genre des personnes intersexuées a été approuvé par 90 députés sur les 99 présents, dans un Parlement qui compte 150 élus au total. L’opposition n’a pas pris part au vote, sauf neuf élus qui se sont joints aux voix de la majorité.
Le vote, prévu dans un premier temps mercredi 24 septembre, avait été annoncé comme reporté sine die faute de majorité acquise, avant de revenir à l’agenda du Parlement ce vendredi.
« Un vote honteux »
« C’est un vote honteux », a réagi le chef du principal parti d’opposition au Parlement Progresivne Slovensko, Michal Simecka, regrettant « la trahison » de membres de l’opposition, qui ont permis de faire passer le texte pour lequel le gouvernement n’avait pas la majorité constitutionnelle.
Cet amendement « nuira au peuple slovaque et remettra en question la place de la Slovaquie dans l’UE et son espace juridique », a-t-il ajouté devant les journalistes.
Fin janvier, après la publication du projet d’amendement, le Premier ministre nationaliste Robert Fico avait invoqué « les traditions, l’héritage culturel et spirituel de nos ancêtres » pour dresser « un barrage constitutionnel face au progressisme » et rétablir « le bon sens ».
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« Nous avons deux sexes, masculin et féminin » définis à la naissance, indiquait la proposition gouvernementale, reprenant les termes utilisés par le président américain Donald Trump le jour de son investiture.
« Le sexe ne peut être modifié que pour des raisons sérieuses, selon des modalités qui seront fixées par la loi », précise l’amendement, réservant l’adoption d’enfant aux seuls couples mariés, avec de rares exceptions.
Le projet d’amendement stipulait aussi que « la souveraineté » de la Slovaquie sur ce type de « questions culturelles et éthiques » devrait l’emporter sur le droit européen.
La primauté du droit national sur le droit européen
Dans un avis rendu mercredi 24 septembre, la Commission de Venise, organe consultatif du Conseil de l’Europe composé d’experts en droit constitutionnel, avait mis en garde la Slovaquie contre un tel amendement.
Selon elle, les Etats ne devaient pas créer de conflit entre des « questions culturelles » et les traités internationaux qu’ils ont signés.
La Slovaquie est membre de l’Union européenne depuis 2004 et s’est engagée à respecter les droits fondamentaux lors de son adhésion.
Lors d’un précédent mandat, en 2014, Robert Fico avait fait inscrire dans la Constitution que le mariage est une « union exclusive entre un homme et une femme ». Un an plus tard, il avait organisé un référendum censé barrer la route au mariage pour tous, invalidé faute de participation suffisante.
Les écoles du pays sont appelées à « enseigner uniquement » ce qui est conforme à la Constitution.
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Lors du débat public ayant précédé le vote, le directeur de l’ONG Iniciativa Inakost (Altérité), Martin Macko, avait dénoncé un texte « introduisant de nouveaux obstacles dans le traitement de transition des personnes transgenres ».
Ce texte « cimente dans la loi fondamentale les inégalités ciblant les familles de couples de même sexe », selon ce militant, « un premier pas concret nous éloignant de l’UE ».
Pour lui, l’initiative vise surtout « à détourner l’attention » de la crise politique actuelle en Slovaquie, la coalition de Robert Fico se trouvant sous la pression de manifestations massives pour défendre l’Etat de droit et rejeter le rapprochement avec la Russie.
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Le gouvernement souverainiste, au pouvoir depuis octobre 2023, a déjà annoncé récemment la fin des subventions aux associations de défense des droits LGBT+. Une ministre a aussi dénoncé une idéologie menant à « une extinction de la race blanche ».
En 2022, l’assassinat de deux hommes dans un bar gay de Bratislava par le fils d’un membre d’un petit parti d’extrême droite avait secoué la communauté LGBT+.