Longtemps cantonné à la clandestinité, le MMA attire désormais des foules. Ce vendredi soir, le Zénith de Toulouse accueillera plus de 4 000 spectateurs, soit le double de l’an dernier. Symbole d’une discipline passée de la marge au spectacle populaire.
Mathilde, 26 ans, a une sainte horreur de la violence. Pourtant, depuis quelques mois, cette étudiante s’est surprise à regarder des combats de MMA à la télévision avec ses amis. Ce vendredi, elle envisage même de franchir les portes du Zénith de Toulouse, où l’organisation Hexagone MMA attend plus de 4 000 spectateurs. “Ce sport est devenu moralement acceptable depuis qu’il y a une fédération qui encadre. Je trouve qu’il y a une vraie partie stratégique, de la tension, du show. Dès lors qu’il y a un arbitre et des juges, ce n’est plus de la bagarre”, estime-t-elle.
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Longtemps associé à une triade sulfureuse — une cage, du sang et des frappes au sol —, le MMA (arts martiaux mixtes) a été légalisé en France seulement en 2020, après des années d’interdiction. La France figurait alors, avec la Norvège et la Thaïlande, parmi les derniers pays à refuser d’accueillir des compétitions. L’autorisation donnée par la ministre des sports de l’époque, Roxana Maracineanu, a marqué un tournant : ce qui passait pour un défouloir brutal est en train de devenir un divertissement de masse.
“Petit à petit, le nombre de pratiquants a augmenté et une demande forte est apparue”, explique Quentin Arola, cofondateur du club Tactical Fight Team à Toulouse et coach de l’équipe de France. “La légalisation a changé l’image. Les médias montrent désormais autre chose que de la violence brute : des combattants qui se serrent dans les bras à la fin, des coachs qui insistent sur le respect. Les entraîneurs en France ont beaucoup œuvré, souvent dans l’ombre, mais leur travail commence à toucher un large public.”
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Dans les salles comme dans les tribunes, la transformation saute aux yeux. Les galas confidentiels ont laissé place à des shows calibrés, avec écrans géants, jeux de lumière et scénographie. “On sait qu’on doit offrir plus que du sport, il faut du spectacle”, assume Jérôme Pourrut, cofondateur d’Hexagone MMA. “Mais ce qui compte aussi pour rassurer, c’est l’encadrement, tranche-t-il. Chaque combattant passe six examens médicaux obligatoires avant de monter dans la cage. C’est un sport jeune, qui a longtemps traîné des clichés. Aujourd’hui, il est régi par une fédération, avec des règles précises.”
“Ce qui m’attire c’est l’incertitude…”
L’adhésion du public repose sur ce mélange : l’intensité du combat et le vernis du spectacle. Patrick, 58 ans, cadre dans la communication, ne cache pas son ambivalence : “À la télé je regarde, mais je n’irai pas forcément dans une salle. L’ambiance sanglante me déplaît. Pourtant, j’ai fini par m’y intéresser : ce qui m’attire, c’est le chemin de chacun pour gagner, l’incertitude permanente.” Pas vraiment un fan, plutôt un curieux happé par la dramaturgie.
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Si la discipline s’est adoucie aux yeux du public, c’est aussi grâce à d’autres éléments. Elle se joue aussi dans les décisions de l’arbitre, scrutées à la seconde près : trop tard, le public détourne le regard ; trop tôt, il proteste. Au bon moment, la salle s’enflamme.
Pour Jérôme Pourrut, le MMA n’a pas encore atteint son plein potentiel. “Il manque encore un grand visage en France, un champion qui cristallise les émotions collectives”, dit-il. En attendant, les galas séduisent un public hétéroclite, des étudiants aux retraités, venus chercher autre chose qu’une confrontation physique : un récit, une tension, une mise en scène.
En un an, Toulouse illustre cette montée en puissance : un peu plus de 2 000 spectateurs avaient pris place au Palais des sports lors du premier gala. Ils seront plus de 4 000, ce vendredi, au Zénith. Le MMA n’a pas seulement changé d’image, il change de dimension.