September 24, 2025

Contribution des ultra-riches, taxe Zucman : Sébastien Lecornu sous pression

l’essentiel
La « taxe Zucman », soutenue par sept prix Nobel d’économie, toute la gauche et une majorité de Français, relance le débat sur la taxation des plus grandes fortunes. Entre promesse de justice sociale, risques d’évasion fiscale et d’affaiblissement des investissements, Sébastien Lecornu, qui a promis des ruptures, va devoir trancher sur le retour d’un impôt sur la fortune.

Voilà un sujet que la gauche et les syndicats sont parvenus à imposer dans le débat public sur le redressement des finances publiques : la taxation des plus hauts revenus, largement favorisés par la politique économique et fiscale d’Emmanuel Macron depuis 2017.

Si le sujet n’a jamais vraiment disparu des débats politiques depuis que l’exécutif a transformé l’impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI), il a connu un regain d’intérêt en 2024 en raison de la dégradation des comptes publics et de la proposition de l’économiste Gabriel Zucman, formulée dans en juin 2024 dans son rapport sur la taxation des ultra-riches.

La taxe Zucman soutenue par des prix Nobel d’économie

Professeur à l’École d’économie de Paris et à Berkeley, spécialiste reconnu de la fiscalité internationale et des inégalités, ce dernier a proposé de créer une taxe – devenue « taxe Zucman » – qui consisterait à garantir que les contribuables très fortunés dont le patrimoine est supérieur à 100 millions d’euros, paient au minimum un total d’impôt équivalant à 2 % de la valeur de leur patrimoine, qu’il soit immobilier, financier ou professionnel. Si le total des impôts acquittés (Impôt sur le revenu, IFI, prélèvements sociaux, etc.) s’avère inférieur à ce seuil, la différence serait exigée.

Des économistes de renom soutiennent la taxe Zucman, tels qu’Esther Duflo, Joseph Stiglitz ou Paul Krugman. Sept prix Nobel d’économie avancent son potentiel pour réduire les inégalités et générer jusqu’à 25 milliards d’euros par an ; un chiffrage controversé, l’économiste Philippe Aghion évoquant plutôt 5 milliards.

D’autres experts économistes, même hors du patronat, soulignent le risque d’évasion fiscale, d’optimisation, voire de perte nette pour les finances publiques à cause des réactions comportementales des contribuables concernés. François Bayrou lui-même avait estimé que « la taxe Zucman est une menace sur les investissements en France » et risquerait de provoquer un « nomadisme fiscal » des plus riches.

Quels impôts les milliardaires paient-ils ?
Quels impôts les milliardaires paient-ils ?
DDM

Mais les conclusions d’une note réalisée en juillet par le Conseil d’analyse économique (CAE) et publiée début septembre, ont fortement relativisé les propos du Premier ministre. Les auteurs rappellent que « les ménages avec de hauts revenus du capital s’expatrient relativement peu de France ». Seuls 0,2 % du top 1 % des revenus du capital quittent le pays chaque année, « soit deux fois moins que lorsqu’on considère l’ensemble de la population française (0,38 %) ».

Les auteurs du rapport soulignaient aussi que sur 1 euro taxé, 26 centimes pourraient être réellement collectés par l’État et que le vrai sujet serait plutôt « des comportements d’optimisation sophistiqués chez les très hauts patrimoines. »

Une taxe devenue très politique

Qu’importe, depuis son apparition dans le débat public, la taxe Zucman est devenue un objet politique qui a ravivé le clivage droite-gauche. Elle est ainsi largement défendue par les partis de gauche (Socialistes, Écologistes, Communistes et Insoumis), souvent inscrite dans leur contre-budget ou leurs propositions de loi sur la justice fiscale. Une proposition de loi Zucman a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 20 février dernier, principalement grâce aux votes favorables de l’ensemble des partis de gauche. Les députés RN se sont abstenus dans leur grande majorité, leurs alliés ciottistes ont voté contre.

Les députés du socle commun (Renaissance, Ensemble pour la République, Horizons, Les Républicains) ont voté contre. Si la proposition de loi a été adoptée par 116 voix pour, 39 contre, elle a peu de chances d’être votée par le Sénat à majorité de droite. « Nous avons voté contre la taxe Zucman au Sénat au mois de juin », a rappelé le président de la Chambre haute, Gérard Larcher, estimant que la taxe Zucman « est une illusion » et « ne passera pas le barrage du Conseil constitutionnel », ce qui est contesté par plusieurs experts en droit.

Mais la chute de François Bayrou a remis sur la table la taxe Zucman et la pression s’accentue sur Sébastien Lecornu. Les syndicats, qui sont reçus ce matin par le Premier ministre après leur mobilisation réussie du 18 septembre – où la taxe Zucman figurait sur de nombreuses pancartes – ont mis dans leur ultimatum la nécessité de prendre « des mesures significatives de justice sociale et fiscale. »

Vers un rétablissement de l’ISF ?

Si la droite et le patronat sont vent debout contre la taxe Zucman ou dispositif assimilé, le bloc central commence à prendre conscience qu’il va bien falloir lâcher du lest pour construire le Budget 2026.

Alors que 78 % des Français sont favorables à « une augmentation des impôts pour les Français les plus riches », François Rebsamen, ministre ex-PS démissionnaire des Collectivités, a jugé vendredi qu’ « il est invraisemblable qu’il n’y ait pas une taxation des plus hauts revenus. Il faut un budget de justice fiscale et sociale. » « Les grandes fortunes » doivent être « mises à contribution », a pareillement estimé la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet.

Pris entre plusieurs feux, Sébastien Lecornu pourrait trouver un entre-deux : le rétablissement de l’ISF, à la fois signal très symbolique pour l’opinion, mesure que la gauche ne pourrait pas ne pas voter et à l’impact moindre que la taxe Zucman que redoutent les patrons.

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