Rentrée Discount domine la vente en ligne de fournitures scolaires. Mais derrière ses prix bas, certains saisonniers décrivent un management infantilisant et une surveillance intrusive.
Rentrée Discount est le leader français des fournitures scolaires en ligne. Mais derrière les prix cassés des objets qui remplissent les cartables, quelle est la réalité des conditions de travail des employés toulousains ? En reconversion professionnelle, Sacha* avait besoin d’un job étudiant estival. Elle a postulé chez Rentrée Discount pour être préparatrice de commandes. “Mon entretien a duré 5 minutes, j’ai commencé dès le lendemain”, raconte-t-elle.

Cet été, comme 800 autres personnes, elle a foulé le hangar de 8 000 m2 près de la route d’Espagne, où sont stockées 10 000 références de produits scolaires. Là-bas, les salariés travaillent 28 heures par semaine, de 7h à 14h30, 8h à 15h30, 14h à 21h30 ou 15h à 22h30.
À lire aussi :
Des parents d’élèves exaspérés par les retards de livraison de Rentrée discount
Sacha décrit un environnement de travail “pressurisant” et “infantilisant” : “On est constamment surveillé, on nous martèle qu’il faut marcher rapidement, on nous oblige à rester silencieux, alors que même en prison, on peut parler. Certains chefs nous appellent en claquant des doigts, c’est déshumanisant. Et ils nous mettent des punitions comme à l’école.”
Les fiches de rappel
Elle fait référence aux fiches de rappel. Un document à signer semblable à un avertissement rappelant les règles à respecter. “C’est une sorte de sursis, décrit Camille, autre salariée saisonnière. Au bout de deux fiches reçues, notre contrat peut être remis en question.”
À lire aussi :
“On atteint le pic de l’activité en août” : Rentrée Discount, le leader toulousain des fournitures scolaires, tourne à plein régime
Pour aller aux toilettes, les préparateurs logistiques sont obligés de dépointer. Des minutes non comptabilisées dans leur temps de travail. “L’entrepôt est fait de cette manière, ils sont obligés d’en sortir pour accéder aux toilettes, se défend Arnaud Laiter, fondateur. Dans tous les cas, les employés sont payés à la minute donc c’est rattrapable à la fin de leur shift.”
“Les chefs d’équipe voient combien de pauses on fait dans la journée, ajoute Camille. Si on va aux toilettes plus de deux fois, ils viennent nous demander ce qu’il se passe.” Et à l’extérieur de l’entrepôt, “un esprit compétitif est maintenu”, assure Sacha. “On recevait sur le groupe WhatsApp de notre équipe des relevés de performances hebdomadaires.”
Sur ces tableaux, que nous avons pu consulter, si les salariés parviennent à atteindre les 900 produits manipulés dans la journée, ils sont en vert, autour de 800, en jaune, et en dessous, en rouge. “Ça met une sale ambiance”, confie Sacha. Manu, autre employée, décrit “les messages incessants de son chef d’équipe” : “Il nous en envoyait tous les jours, d’un ton passif-agressif, ça en devenait presque menaçant.”
Des “brebis galeuses” dans les équipes
“Ce ne sont pas des quotas, mais des challenges, corrige Arnaud Laiter. S’ils font de bons scores, ils peuvent gagner des bons d’achat. Et ils ne sont pas sanctionnés s’ils ne les atteignent pas, ce n’est pas inscrit dans les contrats.” Pourtant, des fiches de rappel pour “manque de productivité” existent bel et bien.
Pour Arnaud Laiter, ces règles sont mises en place dans le but de motiver les équipes. “On doit se concentrer pendant l’été, car c’est là qu’on fait 90 % de notre chiffre d’affaires. Et parfois, dans les équipes, on a des brebis galeuses : certains prennent des pauses trop longues, passent leur temps à discuter, on a même déjà subi des vols…” Mélanie a travaillé six étés d’affilée dans l’entrepôt de Carcassonne, jusqu’à monter les échelons et devenir cheffe d’équipe. Elle décrit “une bonne expérience” et “des statistiques largement atteignables”.
Mais de son côté, Sacha avoue s’être sentie “épuisée physiquement”. “La moyenne d’âge des préparateurs est de 22 ans, et pour beaucoup, il s’agit de leur première expérience. Ils sont souvent étudiants, ou en situation de précarité. Et donc, ne se sentent pas légitimes de dire que ça ne va pas, ou connaissent mal leur droit au travail. Je pense que l’entreprise en profite.”
Pour rappel, en 2018, les conditions de travail chez Rentrée Discount avaient déjà été pointées du doigt, après la diffusion d’un reportage sur M6, dans lequel Arnaud Laiter repère un impair d’un employé, le sermonne, puis lance : “Lui, il faut le dégager”. Il s’était ensuite excusé sur les réseaux sociaux.