Avancée par son mari et sa belle-mère, la “piste du djihad” a brièvement alimenté l’enquête dans le cadre de la disparition de Delphine Jubillar. Comment un récit aussi absurde a-t-il pu émerger avant d’être écarté ? Retour sur une fausse piste, à une semaine de l’ouverture du procès du mari de l’infirmière tarnaise.
Dès les premiers mois de l’enquête sur l’affaire Delphine Jubillar, l’infirmière tarnaise portée disparue depuis la nuit du 15 au 16 décembre 2020, une piste pour le moins déroutante surgit dans les procès-verbaux. Certains iront jusqu’à produire une hypothèse improbable : Delphine aurait quitté son foyer pour “partir faire le djihad”. L’idée, avancée par son mari Cédric et reprise par sa mère Nadine, a nourri un temps les interrogations… avant d’être balayée par les enquêteurs.
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Interrogé par les gendarmes peu de temps après la disparition de Delphine, Cédric Jubillar, qui n’a pas encore été placé en détention provisoire, déclare que son épouse a pu “disparaître pour rejoindre le djihad”. Face aux enquêteurs, sa mère Nadine en rajoute : Delphine, affirme-t-elle, n’était “plus une bonne mère, ne faisait plus rien à la maison”, et aurait pu partir soit “dans une secte, soit faire le djihad”.
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Pour appuyer son récit, Cédric Jubillar évoque ce qu’il considère comme des indices troublants. Selon lui, Delphine aurait cessé de consommer du porc au cours de l’année 2020 et aurait été surprise en train de prier à plusieurs reprises. De là à imaginer un embrigadement religieux, le mari franchit le pas.
Les papiers d’identité de l’infirmière retrouvés à son domicile
Sa mère Nadine, elle, explique avoir cru à cette hypothèse : “À cette époque, on entendait beaucoup d’histoires de jeunes partis en Syrie”, dit-elle. Le beau-père de Cédric, Olivier Fabre, reprendra la même idée, pensant un temps que Delphine avait pu être approchée par des Témoins de Jéhovah, après que le fils du couple, Louis, a raconté avoir vu sa mère prier.
Les gendarmes ont rapidement vérifié cette piste. Tous les papiers d’identité de Delphine sont retrouvés au domicile du couple à Cagnac-les-Mines. Un départ clandestin vers une zone de conflit est donc improbable. Les services de prévention de la radicalisation confirment : aucun signalement, aucune alerte concernant l’infirmière d’Albi.
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Quant à la thèse de la secte, elle est aussi rapidement écartée. La “piste du djihad” s’imposera pourtant un temps dans le dossier, avant d’apparaître comme l’une des plus absurdes.
Mais elle révèle surtout la stratégie de Cédric et de sa mère au début de l’affaire : présenter Delphine non comme une victime, mais comme une femme instable, capable de tout quitter. Une façon de détourner les soupçons… qui finira par se retourner contre lui. Devenu suspect numéro un, Cédric sera placé en garde à vue quelques mois plus tard, en juin 2021.