Savez-vous que votre cueillette de cèpes et de pieds-de-mouton peut servir la science ? Dix ans après sa précédente étude, l’Acro (Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest) lance un nouvel appel. Son objectif ? Mesurer la radioactivité des sols, 40 ans après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, grâce aux champignons. Mylène Josset de l’Acro nous explique la démarche.
La Dépêche du Midi : Pouvez-vous m’expliquer en quoi consiste la collecte lancée par l’Acro avec Les Enfants de Tchernobyl ?
Mylène Josset, coordinatrice au laboratoire de l’Acro (Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest) : L’idée, c’était de se demander quel est l’état de la contamination radioactive des sols aujourd’hui, alors qu’on approche du 40e anniversaire de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.
Pourquoi utiliser des champignons pour cela ?
On a besoin d’indicateurs très sensibles à la contamination des sols pour établir une cartographie, or, les champignons poussent dans des forêts ou des sols peu “remaniés”. De par leur nature, ils ont un réseau important de mycélium qui puise les substrats dans les premiers centimètres du sol. Donc, s’il y a des contaminants chimiques ou radioactifs, ils vont les absorber. Les champignons ont été très surveillés depuis 1986 car on pouvait y trouver des traces importantes, notamment de césium-137, rejeté en grande quantité après l’accident nucléaire.
Doit-on en conclure qu’il est risqué de consommer des champignons ?
D’un point de vue sanitaire, heureusement, les niveaux sont faibles. Même si, pour la radioactivité, il n’existe pas de seuil en dessous duquel il n’y a aucun danger, les niveaux observés sont généralement bas et concernent des produits consommés occasionnellement. L’idée n’est donc pas de lancer une alerte sanitaire, mais de montrer qu’on retrouve encore des traces de radioactivité 40 ans après, même à plus de 1 000 km de la centrale.
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Quels étaient les résultats de votre étude menée il y a 10 ans ?
Environ 80 % des champignons analysés montraient la présence de césium-137, à des niveaux variables selon la géographie et l’espèce de champignon. Les taux les plus élevés provenaient d’un champignon du Luxembourg. Les régions de l’Est, notamment montagneuses, avaient été les plus touchées à l’époque. Plus on va vers l’Europe de l’Est, plus la contamination des sols est importante.
Y a-t-il des espèces plus sensibles que d’autres ?
Nous expliquons dans notre appel que les bolets, cèpes et pieds-de-mouton sont les plus sensibles. Mais il est aussi intéressant de recevoir d’autres espèces : cela dépend des habitudes des gens et des régions.
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Comment participer à la collecte ?
Les volontaires peuvent participer jusqu’en décembre. L’idéal est de nous envoyer une seule espèce de champignons, environ 300 grammes, dans un sac zip ou une boîte étanche, conservés au frais avant l’envoi postal vers notre laboratoire en Normandie (711, boulevard de la Grande-Delle 14200 Hérouville-Saint-Clair). Il est important de noter les coordonnées GPS du site de collecte (ou au moins la commune). Nous tiendrons les participants informés des résultats.
Que se passe-t-il ensuite ?
Après, nous desséchons les champignons, les réduisons en poudre, puis les analysons avec des spectromètres gamma. Cela nous permet de mesurer et quantifier l’ensemble des radioéléments présents. Nous publierons ensuite les résultats au printemps 2026.