September 13, 2025

"Mes heures supplémentaires et mes astreintes financent les livres…" : dans le Lot, des éditeurs passionnés tiennent bon face à la crise du livre

l’essentiel
À Arcambal et Cajarc, deux éditeurs indépendants, Édicausse et Tertium, poursuivent leur mission de valorisation du patrimoine et des auteurs locaux, malgré un marché du livre toujours plus incertain.

Alors que le marché du livre traverse une crise marquée par la baisse des ventes et la fermeture de librairies, certains éditeurs indépendants continuent de faire vivre l’édition en région avec une opiniâtreté remarquable. Dans le Lot, deux figures locales incarnent cette résistance : Gilles Chevriau, fondateur des éditions Édicausse à Arcambal, et Régis Blanchard, directeur de Tertium à Cajarc.

“J’ai créé cette maison l’année de ma retraite”

Depuis dix-sept ans, Gilles Chevriau publie des ouvrages consacrés au patrimoine lotois. “J’ai créé cette maison l’année de ma retraite”, raconte-t-il. Sa ligne éditoriale s’est construite autour de l’histoire locale, des personnages oubliés et de la mémoire collective du Quercy. Le professionnel limite volontairement sa production à quatre ou cinq ouvrages par an. “Un livre, c’est au moins quatre mois de travail. Je m’implique dans l’accompagnement de l’auteur, avant, pendant et après la sortie.”

Loin du compte d’auteur, Gilles Chevriau privilégie une relation humaine et un choix rigoureux des manuscrits. “Je ne veux pas courir l’édition à tout prix. Si une année je n’ai que deux ouvrages intéressants, je m’en tiendrai là. Je fonctionne en raison de l’intérêt du sujet et du contact avec l’auteur.”

“Mes heures supplémentaires et mes astreintes financent les livres”

À plusieurs kilomètres de là, à Cajarc, un autre passionné suit une trajectoire différente mais animée par la même conviction. Régis Blanchard, lui, cumule deux vies : dans l’agroalimentaire le jour, éditeur le soir et le week-end. “Mes heures supplémentaires et mes astreintes financent les livres. Ce sont mes économies qui sont en jeu, je suis donc exigeant sur chaque manuscrit”, explique l’entrepreneur seul en piste. Tertium, maison rachetée en 2021 et depuis installée à Cajarc, propose des livres imprimés en France, à faible tirage, avec une ligne éditoriale généraliste mais fortement ancrée dans le territoire. “Je publie des romans, du théâtre, mais aussi des essais historiques. L’essentiel est que cela parle du Lot ou du Quercy. J’ai le réseau pour les faire vivre localement.”

Comme son confrère, Régis Blanchard refuse la facilité de l’auto-édition. “L’auteur donne une âme, l’éditeur donne un corps. C’est un travail d’équipe. Je peux dire à un auteur que son premier chapitre ne fonctionne pas. C’est ça, le rôle d’un éditeur : accompagner, structurer, promouvoir.”

Un fragile écosystème

Tous deux alertent sur la fragilité croissante de l’écosystème du livre en milieu rural. La raréfaction des évènements, la baisse de fréquentation des salons, la fermeture de certaines librairies et la montée en puissance de l’auto-édition menacent la pérennité de leur modèle. “L’année dernière a été mauvaise, celle-ci ne s’annonce guère mieux”, constate Gilles Chevriau, qui finance certains ouvrages à compte d’éditeur, par conviction. “Je viens de signer un livre sur les femmes dans la Résistance lotoise, écrit par une jeune doctorante. Je le soutiens parce qu’il a du sens.”

Malgré les difficultés, ni l’un ni l’autre ne cèdent au découragement. “J’ai un plan clair que je tiens. Mais le contexte est difficile”, assure Régis Blanchard. “Je reste libre, et je continue tant que j’ai la santé”, confie Gilles Chevriau, conscient toutefois des limites de son engagement à bientôt soixante-dix-sept ans.

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