Un mouvement de grève reconductible a été lancé ce jeudi 11 septembre 2025 à 4 heures du matin, à la biscuiterie Poult de Montauban (Tarn-et-Garonne). Les 391 salariés, soutenus par l’intersyndicale FO-CFDT-CGT, dénoncent la dégradation des conditions et de l’outil de travail et le manque de considération de la direction.
Depuis 4 heures du matin ce jeudi 11 septembre 2025, aucun biscuit ne sort des lignes de production de Poult, biscuiterie qui fait partie du patrimoine industriel de la ville de Montauban (Tarn-et-Garonne) depuis 120 ans.
Réunis en assemblée générale, les 391 salariés ont voté pour un mouvement de grève reconductible. Ils dénoncent essentiellement la dégradation de leurs conditions de travail depuis 5 ans, date à laquelle l’usine a été reprise par un fonds d’investissement américain, Platinum Equity (1).
“On a déjà perdu beaucoup d’acquis. La dernière goutte, c’est venir toucher au temps de pause des salariés qui sont épuisés”, expose Robert Poncharreau. Le délégué syndical central FO rappelle que dans cette usine organisée en 3×8 (5 heures-13 heures, 13 heures-21 heures et 21 heures-4 heures), “l’usage a toujours voulu qu’on nous accorde trois pauses de 20 minutes, alors que la loi prévoit trois fois 10 minutes”.
On ne peut pas rester 3 heures ou 3 h 30 debout sur une ligne. En plus, on ne nous paie pas la pause.
Au sortir d’une première réunion de négociations qui a duré deux heures jeudi matin, Philippe Gevrey, délégué central CFDT, saisit le mégaphone pour annoncer aux salariés la proposition de la direction : “Deux fois 20 minutes”.
“Pour ceux qui démarrent la journée à 5 heures, ça voudrait dire qu’il faudrait attendre 8 h 30 pour la première pause. On ne peut pas rester 3 heures ou 3 h 30 debout sur une ligne. En plus, on ne nous paie pas la pause”, décrypte le délégué CGT, Stéphane Beauvois.

Alors même que, reconnaît un gréviste, “le site de Montauban se porte plutôt bien si on compare aux autres sites français de Biscuit International”, Stéphane Beauvois dresse un constat implacable : “Aujourd’hui, il n’y a plus de respect, plus de confiance, plus de communication non plus. Le noyau qu’on avait, pour moi il est pourri.”
“La vérité, c’est qu’ils ne reconnaissent plus la pénibilité de notre travail”, regrette Philippe Gevrey. “Il faut toujours faire plus vite, avec beaucoup moins de personnel sur les lignes et un outil de travail obsolète”, dénonce une ouvrière. Elle cite le cas du service de maintenance : “Il s’effondre en ayant vu son effectif divisé par deux”.
La DRH m’a signifié que les salariés n’avaient pas le droit de demander la démission d’un membre du comité de direction, que cela constituait une forme de harcèlement.
“On a de plus en plus de collègues en burn-out. Beaucoup souffrent de troubles musculo-squelettiques. S’agissant de ces maladies professionnelles, la direction a d’ailleurs reçu plusieurs fois une injonction de la Carsat”, indiquent les délégués.

Jeudi matin, lors du premier round de négociations, le ton est monté lorsque les représentants du personnel ont fait savoir à Stéphane Navarro, directeur industriel France, qu’ils le considéraient comme responsable de cette situation et souhaitaient son départ. “Il s’est dit déçu et en colère. La DRH m’a signifié que les salariés n’avaient pas le droit de demander la démission d’un membre du comité de direction, que cela constituait une forme de harcèlement. J’ai été menacé d’être attaqué en justice. Il faut que j’en réfère à mon syndicat pour me couvrir”, rapporte le délégué syndical central CFDT devant des collègues médusés.
“Ouvrons une pétition et signons-la collectivement pour dire que c’est nous tous qui demandons son départ”, propose un employé. Il est midi, quelques gouttes de pluie tombent sur les pallox que les grévistes préposés aux grillades ont commencé à faire brûler. Les ouvriers de Poult semblent déterminés à se faire entendre. Mais ils se posent aussi beaucoup de questions sur leur avenir. “On a une pyramide des âges avancée, est-ce que leur souhait ce n’est pas de plomber les résultats et de fermer l’usine ?”
Sollicitée par “La Dépêche” et invitée à s’exprimer sur ce conflit social, la direction de Biscuit International n’a pas donné suite pour le moment.