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Le Nouvel Obs avec AFP
Un garde suisse sur la place Saint-Pierre, ce samedi 6 septembre. FILIPPO MONTEFORTE / AFP
Une première au Vatican : plus d’un millier de catholiques LGBT+ et leurs proches effectuent ce weekend un pèlerinage dans le cadre de l’« Année sainte », un « signal important » vers davantage de diversité dans l’Eglise catholique. Ils sont plus de 1 400, originaires d’une vingtaine de pays à avoir répondu à l’invitation de l’association italienne « La Tenda di Gionata » (La tente de Jonathan) pour participer à l’année jubilaire de l’Eglise, organisée tous les 25 ans. Aucune audience privée avec le pape Léon XIV n’est prévue. Mais si des groupes LGBT+ se sont déjà rendus au Vatican, c’est la première fois qu’un tel pèlerinage est inscrit au calendrier officiel du Jubilé.
Yveline, femme transgenre de 68 ans venue de Bruxelles, a parcouru 130 km à pied avec une trentaine de personnes LGBT+ le long de la Via Francigena pour rejoindre Rome. Devant les « difficultés relationnelles et culturelles » au sein du milieu catholique où elle ne se sent « pas toujours reconnue », elle attend que l’Eglise accorde plus de place à « la pluralité », explique-t-elle à l’AFP. « Il ne faut pas se tromper sur le mot accueil : nous ne sommes pas des étrangers accueillis exceptionnellement ou plus régulièrement, nous faisons partie de la même famille », souligne-t-elle, vêtue d’un T-shirt blanc portant les couleurs de l’arc-en-ciel. L’Eglise est comparable à « une montagne que l’on grimpe et il y a plusieurs versants ». « On ne voit pas les choses toujours de la même manière mais c’est comme ça et c’est très heureux. »
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« Un signal vraiment important »
Comme des millions d’autres pèlerins, les participants remonteront ce samedi 6 septembre dans l’après-midi la principale artère menant au Vatican pour franchir la « Porte sainte » de l’imposante basilique Saint-Pierre. Dans la matinée, des centaines d’entre eux ont participé à une messe présidée par le vice-président de la conférence épiscopale italienne à la Chiesa del Gesu, en plein centre de Rome, après une une veillée de prière vendredi ponctuée de témoignages.
« C’est un signal vraiment important pour nous de se sentir plus inclus » dans l’Église, confie à l’AFP Hugo, franco-québécois de 35 ans qui espère que ce signal « permettra à des gens qui sont un peu mi-figue, mi-raisin, de s’autoriser à être plus accueillants envers les homosexuels au sein de l’Église ». Mais dans une institution deux fois millénaire dont le catéchisme considère les actes homosexuels comme « intrinsèquement désordonnés », la route est encore longue. « Il y a des peurs et une forme de méconnaissance concernant la vie des homosexuels », déplore-t-il. « Si tout le monde rencontrait tout le monde, je pense qu’il y aurait beaucoup de murs qui tomberaient. » Selon lui, « il reste des blocages », notamment pour les couples pour lesquels « l’accès aux sacrements est remis en question ».
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« Un processus très lent »
De son élection en 2013 à sa mort en avril, le pape François, ardent défenseur d’une Eglise ouverte à « tous, tous, tous », a multiplié les gestes d’accueil envers la communauté LGBT, sans pour autant faire évoluer la doctrine. Sa décision fin 2023 d’ouvrir les bénédictions aux couples de même sexe a provoqué une levée de boucliers dans les milieux conservateurs, notamment en Afrique. Quelle décision prendra son successeur américain, jusqu’ici très discret sur la question ?
Pour Beatrice, une Italienne de 60 ans venue accompagner son fils homosexuel, « il reste encore beaucoup à faire », à commencer par le changement de mentalités. « Beaucoup de nos enfants ne vont plus à l’église […] parce qu’on leur a fait sentir qu’ils ont tort. Cela doit absolument changer », explique cette femme originaire de Bologne (Nord), également membre du comité de La Tenda di Gionata. « Le plus urgent serait de former les éducateurs, les séminaires, les prêtres et les évêques, en commençant par le bas, le catéchisme, le magistère » même si « c’est un processus très lent. »
En douze ans de pontificat, le pape François « n’a pas eu peur de prononcer les mots », ce qui a « beaucoup dédramatisé le sujet de l’homosexualité au sein de l’Église », salue Hugo. « Ce n’est plus un gros mot. Et ça, je pense que c’est juste une porte ouverte pour plein d’autres évolutions », veut-il croire.