September 5, 2025

ENTRETIEN. Stade Toulousain : "Que l’émulation batte son plein !" Ugo Mola prêt à relever les défis d’une nouvelle saison

l’essentiel
À 48 heures de débuter la saison de Top 14 à Clermont, dimanche 7 septembre, le manager des “rouge et noir”, triples champions de France en titre, s’est longuement livré.

Comment abordez-vous cette nouvelle saison ?

Évidemment, quand tout le monde sort de préparation et particulièrement quand la préparation a été conséquente et longue, tout va bien dans le meilleur des mondes. Mais tout va moins bien après la première journée quand il y en aura sept qui ont perdu, et 7 qui ont gagné. Avec potentiellement quelques matchs nuls ici ou là. Donc évidemment, il y a une forme de capacité à s’auto-persuader que tout va bien et qu’on est dans les meilleures dispositions. Pour notre part, la méthode, on n’en a pas forcément. Dire qu’on pourrait garantir d’aller loin ou en tout cas de jouer les premiers rôles de manière permanente, cela n’est pas garanti. Faire rentrer six, huit semaines en deux semaines et demie, ça a été un peu compliqué, ça a été un peu du sport. On a certainement un peu brusqué les corps et au regard de ceux qui seront dispos ce week-end, il en manque un peu encore. Mais notre inquiétude est plus le fait de savoir si on sera prêt pour attaquer le championnat que l’âpreté, la dureté et la longueur de notre championnat pour se dire qu’on sera évidemment, je l’espère, le plus souvent compétitifs.

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Comment se renouvelle-t-on et qu’avez-vous identifié comme axes de progression par rapport à la saison dernière ?

Il y a une évidence sur le fait de se renouveler parce que tu ne gagnes pas de la même manière, ou en tout cas avec les mêmes ingrédients régulièrement parce que rapidement tu es épié, copié, contré. Donc, il faut trouver à la fois la marge de mutation possible tout en gardant un socle suffisamment constant et sur lequel tout le monde peut se retourner et s’appuyer pour qu’on puisse être performants. C’est une histoire de balance. Honnêtement, pour faire évoluer certaines choses, il faut du temps. Comme vous le savez, le temps nous a été compté. Donc, on est plus sur des petits ajustements, des choses un petit peu non négociables. Et pour rendre une saison un peu particulière, il faut évidemment pousser des endroits où on n’a pas l’habitude d’aller, sur le plan physique, sur le plan psychologique, sur le plan stratégique, sur le plan physiologique. Donc ce sont plein de petites choses qu’il faut être en mesure de pouvoir encaisser et d’accepter d’aller dans ces zones-là. Souvent, quand on est amenés à gagner ou souvent quand on est amenés à performer, on pense qu’on a le savoir-faire suffisant pour continuer. Et c’est au moment où on pense qu’on a le savoir-faire suffisant que les débuts des emmerdes arrivent. Donc il faut juste être en éveil sur le fait de ne pas se prendre pour d’autres. Vous l’avez entendu mille fois : le niveau d’immunité du sport de haut niveau, particulièrement quand il y a 13 équipes qui souhaitent vous faire tomber, puis l’environnement qui est hostile, il faut se préparer, être en éveil. Est-ce qu’on est suffisamment en éveil pour aller jouer à Clermont-Ferrand au regard de la préparation qu’ils ont effectuée ? Aujourd’hui, je suis un peu plus rassuré que mercredi, mais je pense qu’il en manque encore un peu.

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Comment rester affamé ? Les quatre titres consécutifs des années 90 peuvent-ils être un levier ?

La première chose, c’est que quand tu te mets devant la photographie du calendrier, tu n’es pas forcément dans les phases finales, le quatrième titre et tout ça. Tu es plus dans l’urgence de te dire qu’il faut se préparer vite parce que les neuf matchs qui arrivent d’affilée vont secouer le groupe et l’ensemble de l’effectif. Donc rester affamé, c’est un peu la condition non négociable encore, la condition ultime du club. Ce n’est pas, encore une fois, qu’on se vend comme d’autres, ce n’est pas qu’on se voit comme d’autres, c’est juste que ce club t’oblige, te met dans des dispositions qui font que tu n’as pas trop le choix que de rester affamé. Parce que si tu ne l’es pas, ne serait-ce qu’en interne déjà, d’autres vont venir te croquer les mollets. Et si tu ne l’es pas en interne, tu peux difficilement l’être à l’extérieur. Donc il faut qu’à l’intérieur, l’émulation batte son plein. Il faut que dans notre capacité à innover, à muter, mais aussi à s’appuyer sur nos points forts, ça soit permanent. Et il faut surtout, encore une fois, accepter que les choses puissent changer et qu’il faille aller dans des terrains un peu différents, qu’il faille aller explorer. Et parfois, la nouveauté, l’exploration, le premier sentiment, c’est un petit peu de recul ou d’attente. Et on a besoin de rapidement se jeter dans la bataille. Et rester affamé, c’est une nécessité presque vitale pour nous, dans le sens où si on n’est pas affamé, on ne gagnera pas. On ne gagnera rien, et on n’aura en aucun cas la possibilité de jouer les premiers rôles. Donc rester affamé, c’est être en éveil permanent, et on fera les comptes quand l’occasion se présentera. Mais on n’a pas l’occasion et pas le loisir de regarder derrière, on se doit de regarder devant.

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Vous avez eu peu d’arrivées durant l’été. Comment l’interpréter ?

C’est une culture. Je crois que stabilité dans les effectifs, mais aussi dans le staff et d’autres endroits, c’est quelque chose qui est important pour nous. Ce n’est pas de cette année qu’il y a peu de recrues, c’est depuis très longtemps. Hormis le changement de génération qui n’a pas forcément été anticipé, subi par l’équipe en place à l’époque autour des années 2015, il n’y a jamais eu de grosses arrivées. Ça tourne autour de trois, quatre, cinq joueurs, donc c’est rarement plus. On s’appuie beaucoup sur notre formation qui reste quand même le socle de notre performance et je l’espère de notre réussite. Donc on essaye d’aller cibler, de parfois faire des paris, Parfois aussi, il y a les règles qui nous contraignent aussi de ne pas pouvoir avoir suffisamment de moyens pour aller chercher un tel ou un tel. On est encore dans l’inertie de l’effectif qu’on a constitué autour de l’orée 2020-2021, avec l’inertie qui était la nôtre, puisqu’on avait pris le pari de signer des joueurs très longtemps, parce qu’on croyait en eux, et en tout cas ils nous l’ont bien rendu. Donc aujourd’hui, on est plutôt sur des choses qu’on aimerait tenter. Et l’arrivée de Teddy (Thomas) et de Georges-Henri (Colombe) sont un peu de cet ordre-là, sur des postes sur lesquels on n’est pas forcément en besoin. Mais on sait aussi que si ces garçons donnent la pleine possibilité de leur potentiel, ce seront des garçons qui compteront dans notre effectif. Donc c’est un peu ces choix-là. Après, on a des jeunes joueurs comme Tomas Rapetti ou Heinz Lemoto qui vont arriver plus tardivement, qui sont des joueurs aussi à fort potentiel dans le futur, mais qui viennent aussi participer à l’émulation de notre centre de formation, de notre jeunesse. Donc c’est plutôt ciblé et on croit en la stabilité.

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Est-ce que pour le staff, la préparation déjà courte a été encore plus courte ?

Je suis un peu partagé parce qu’il y a un peu aussi ce vent de : “c’est dur pour les staffs”, “psychologiquement ils sont rincés”. Évidemment qu’il y a tout ça parce que ce sont des sports et métiers passions. C’est une activité qui génère beaucoup d’émotion autour de nos métiers. On a pu couper. Honnêtement, on a donné un peu moins qu’aux joueurs, mais pas mal de temps à l’ensemble du staff. Et puis on a évidemment, dans notre organisation, des petits SAS prévus pour que les uns et les autres puissent se récupérer. Mais c’est récupérer plus mentalement et moralement que réellement physiquement. Sincèrement, ça se saurait quand même si on mettait en danger la vie des uns et des autres sur le plan physique dans les staffs. À part les uns ou deux qui prennent les boucliers face à certains monstres de chez nous, il n’y a pas de gros danger. On a quand même la chance encore une fois, je le répète, de vivre d’un métier et de notre passion. Et aujourd’hui, dans le climat actuel français et mondial, aller se plaindre d’être entraîneur ou dans un staff de rugby, ceux qui se plaignent, les gars, qu’ils lèvent la main et qu’ils laissent la place à d’autres. Mais nous, on ne se plaît pas et on est très content d’être parfois un peu rincés. Mais ce sont plutôt des bonnes choses. Après, oui, il faut trouver le moyen d’être vigilant sur la performance aussi du staff, la suppléance du staff, parce qu’on doit être capable, qui que ce soit absent, qui pourrait se retrouver à être un peu moins bien, de pouvoir suppléer les absences ou les contre-performances des uns et des autres. J’ai lu que c’était pas mal de préoccupations dans pas mal d’endroits mais je suis aussi content que d’autres s’en préoccupent parce que j’avais l’impression que c’était un peu que nous il y a quelque temps qui nous en préoccupions. Donc c’est bien qu’on partage ces sujets qui sont des sujets que le métier doit aborder et que la Ligue, que les syndicats doivent aussi évoquer. Mais franchement, on est quand même des privilégiés, vous le savez tous.

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Qui dit nouvelle saison dit nouvelles règles, avec notamment l’introduction du carton orange. Est-ce utile ou est-ce un gadget ?

On va voir à l’usage. Je ne voudrais pas tirer des enseignements sans avoir réellement vu en pratique l’idée qui paraît sur le papier plutôt intéressante (joueur exclu mais remplacé au bout de 20 minutes, NDLR) de ne pas aller immédiatement à un carton rouge. Peut-être qu’il y avait des zones grises entre un jaune et un rouge. On a cet artifice, en tout cas cette possibilité aujourd’hui, mais donnons-nous le temps juste de voir ce que ça va donner. Après, franchement, je ne suis ni contre ni pour, j’ai juste envie de voir si ça va apporter quelque chose à notre sport et à notre organisation. Mais de là à vous dire que c’est une super idée ou que c’est une idée à la con, parfois, il ne faut pas avoir d’avis. Et ce jour-là, vous pourrez dire que je n’en avais pas. Je veux le voir à l’usage mais ça ne me paraît pas être une mauvaise idée au final.

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À quoi vous attendez-vous dimanche à Clermont ?

On fait comme vous, on regarde, on observe, on essaie de regarder les matchs amicaux qui étaient quand même plutôt réussis de leur part. L’effectif a changé, a muté quand même. Des joueurs qui comptaient fort dans l’effectif de Clermont sont partis, un recrutement ciblé avec quelques joueurs de Pro D2 qui montent et qui étaient plutôt dominants en Pro D2, on va voir s’ils vont évoluer. Un N.10 néo-zélandais, on sait toujours que ça met toujours un petit peu de temps d’adaptation mais que ce sont quand même des joueurs qui sur la base du poste ont les attributs pour exister en Top 14, peut-être plus qu’ailleurs, une préparation qui, de leurs dires, semble parfaite, donc on s’attend à avoir un Michelin en effervescence et une équipe en place. Après, à nous d’être en mesure de pouvoir jouer les trouble-fêtes ou pas. Mais oui, ils paraissent plutôt dans de bonnes dispositions, ils ont annoncé une défense très agressive, c’est l’équipe qui a marqué le plus d’essais sur ballons portés la saison dernière. Je fais bien attention à ce que je dis pour pas que ça me retombe encore sur le coin du nez, mais ils ont mis la base du rugby un peu en place avec un peu plus d’insistance. Conquête, défense, occupation, qui paraît être quand même un socle fort et qui permet à ce jeu d’avoir de très bons résultats.

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On parle beaucoup de la pression qu’il y a sur les joueurs avant une saison, la pression de la performance. Comment jaugez-vous celle qu’il y a à votre poste de manager ?

Déjà, on est dans un milieu qui protège quand même ses compétences, ses managers, ses entraîneurs, même s’il y a du turnover. Il faut savoir que dans le sport professionnel collectif, deux entraîneurs sur trois ne résistent pas à six semaines de mauvais résultats. Évidemment, nos amis du foot nous arrangent la stat, mais c’est une réalité. Vous savez, on vit avec ça parce qu’on a toujours baigné là-dedans. Donc on n’a pas cette épée de Damoclès au-dessus de la tête en se disant qu’à tout moment, j’ai la pression de ci, la pression de ça. On vit avec ça. Vous savez, les fameux contrats à durée déterminée, ce n’est que la vie des joueurs et des staffs. Cela fait partie de l’environnement, du jeu, de la pression qui est nécessaire, mais je pense qu’elle n’est pas… Alors peut-être que par endroits, elle est un peu plus forte, parce que vous avez des présidents qui ont le droit de vie ou de mort sur tout le monde, mais guère plus à certains endroits. Nous, on prône beaucoup plus la stabilité, la capacité à s’inscrire dans la durée, à la fois avec nos joueurs, mais aussi avec l’ensemble de notre organisation. Donc oui, si à un moment, tu as les résultats qui ne vont pas, il faut chercher des solutions. Donc à un moment, le staff est capable de les trouver, et puis par un moment, tu n’es plus en mesure de les trouver. Donc ça, c’est notre rôle à tous. Mais la pression, sincèrement, elle n’est pas monstrueuse, et on vit très bien avec.

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