Symbole de lieu de vie populaire, la piscine en plein air d’Ax-les-Thermes fut la première de l’Ariège. Entre souvenirs d’enfance et mémoire collective, deux habitants racontent l’histoire d’un équipement pionnier qui continue de faire battre le cœur de la ville.
Elle trône toujours, au parc d’Espagne, comme un témoin discret de la modernité d’après-guerre : la piscine en plein air d’Ax-les-Thermes, inaugurée en 1949, fut la toute première du département. Plus qu’un simple équipement sportif, elle incarne une époque, une volonté politique et une aventure humaine que les Ariégeois n’ont pas oubliées.
“C’est une affaire qui a démarré juste après-guerre, en 1947, et qui a connu bien des obstacles avant de voir le jour”, raconte Jacques Boussuge, membre de l’association des Amis des chemins d’Ax et du patrimoine et petit-fils de l’un des maires de la commune qui avait participé à cette construction. Les archives familiales dont il dispose permettent de retracer une histoire mouvementée : recherche du terrain, négociations avec la société propriétaire du Grand Hôtel de France, mise en place des adductions d’eau, puis pari technique un peu fou de pomper l’eau chaude sulfurée des thermes et de la remonter, 70 mètres plus haut, jusqu’au bassin.
Mémoire d’une époque révolue
Le chantier, démarré sous le mandat d’Henri Peyre et poursuivi par son successeur Paul Salet, mobilise élus et techniciens. “On n’avait pas les engins d’aujourd’hui, se souvient Jacques Boussuge. Beaucoup se faisait à la pioche et à la main. Mais il y avait une vraie volonté, et ça s’est concrétisé en deux ans seulement.”
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Et en 1949, la piscine ouvre enfin. À Ax-les-Thermes, c’est une petite révolution. “Il faut rappeler que c’était la première de l’Ariège, souligne René Roques, élu ariégeois. Pour des générations d’enfants, elle a été un lieu de découverte, de baignade et de rencontre”. L’eau naturellement réchauffée des thermes attire immédiatement le public : “On n’y allait pas pour grelotter. La température était agréable, et on se passait bien de chauffage”, sourit Jacques Boussuge.
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La piscine devient rapidement un lieu de vie. Les familles montent chaque jour au parc d’Espagne, les enfants descendent en file indienne par les escaliers, et certains soirs, des animations inattendues prennent place. “Je me rappelle de combats de catch… à l’eau”, confie Jacques Boussuge en riant. L’endroit s’impose comme une vitrine de modernité dans une commune déjà pionnière avec la première électrification, le premier casino ou même le premier téléphérique.
“Elle a marqué notre enfance, et aujourd’hui, nos petits-enfants”
Mais derrière l’euphorie, il y a aussi les contraintes. L’eau sulfureuse encrasse rapidement le bassin : tous les quinze jours environ, il faut vider, brosser les parois et remettre en eau. “On perdait deux à trois jours d’ouverture à chaque nettoyage, mais personne ne s’en plaignait : la piscine faisait partie du quotidien”, rappelle René Roques.
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Au fil des décennies, l’équipement vieillit. Les gradins des années 1950 se fissurent, les plages s’usent. Pourtant, il résiste. En 2024, pour ses 75 ans, la piscine a fait peau neuve : bassin rénové, traitement de l’eau modernisé, ajout d’un toboggan qui attire chaque été des centaines d’enfants. “On est fiers qu’elle soit encore là, affirme René Roques. Elle a marqué notre enfance, et aujourd’hui, nos petits-enfants s’y amusent à leur tour.”
Pour les habitants, la piscine est bien plus qu’un bassin : c’est un héritage vivant. “À chaque fois qu’on grimpe les plus de 80 marches pour y accéder, on les compte et on se souvient du bon temps”, conclut René Roques. Un patrimoine qui, 75 ans après son inauguration, continue de faire éclabousser la vie à Ax-les-Thermes.