SÉRIE 6/8. Il pensait vivre une passion clandestine, il s’est retrouvé au cœur d’un fait divers national. À l’été 2020, Jean entame une liaison avec Delphine Jubillar. Quelques mois plus tard, elle disparaît. “L’amant de Montauban” est devenu malgré lui un personnage clé de l’affaire.
Lorsqu’il rencontre Delphine Jubillar au bord d’un lac, durant l’été 2020, Jean ignore encore qu’il vient de plonger dans l’un des drames les plus obscurs de ces dix dernières années. Dans quelques mois, son visage apparaîtra dans les dossiers d’instruction, son nom circulera dans les commissariats, et la presse le baptisera “l’amant de Montauban”.
A l’époque des faits, Jean a 39 ans. Natif de Roubaix, il vit dans un pavillon discret à la sortie de Montauban, avec sa compagne et leur fils de trois ans. Employé dans une grande enseigne de bricolage de la préfecture du Tarn-et-Garonne, il mène une vie ordinaire. Mais son couple vacille. Jean est un homme qui aime plaire aux femmes. Sur un site de rencontres extraconjugales, il croise une certaine “Nurse81600”. Elle s’appelle Delphine, 32 ans. Infirmière à Cagnac-les-Mines. Mariée. Mère de deux enfants.
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Le contact est immédiat : ils basculent rapidement sur Snapchat, où les échanges s’intensifient. Conversations quotidiennes de plus de 4 heures, échanges vidéo, messages à toute heure… Le lien est fort. Delphine, mère de famille discrète et calme. Jean, plus volubile, amateur de piano et de bolides, investit dans un festival qui mélange vins et musique classique.
Fin juillet, ils se voient. La première rencontre a lieu au bord de l’eau. Les deux amants se plaisent, se reconnaissent. Le reste va très vite. Jean veut croire à une histoire sérieuse. Delphine aussi.

La part d’ombre de l’amant
Ils se projettent. Ils imaginent un futur à deux, loin de leurs conjoints. Hôtels, coins tranquilles, champagne sur le capot, sushis, charcuteries fines et confidences… À Lisle-sur-Tarn, ils trouvent un endroit à eux. Un refuge. Ils rêvent à voix haute : vivre ensemble, se marier, avoir un enfant. Jean lui présente son fils en visio, Delphine fait de même. Les échanges deviennent quotidiens. Les émotions, profondes. Jean veut sortir de la clandestinité.
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Mais l’homme n’est pas sans contradictions. Derrière ses projets d’amour, il cache une vie numérique plus obscure et traîne une réputation de “coureur de jupons”. Inscrit sur plusieurs sites sulfureux, dont “Dirty Tinder”, plateforme BDSM du darknet, il y apparaît sous le pseudonyme de “Donato Giovanni”. Devant les juges d’instruction, sa compagne dressera un portrait inquiétant : un homme instable, manipulateur, toujours insatisfait. “Un pervers narcissique”, dira-t-elle.
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Avec Delphine, Jean veut plus : officialiser, construire, aimer au grand jour. Peu à peu, les deux amants laissent tomber la prudence. Le masque finit par tomber. La compagne de Jean découvre tout. Le 15 décembre 2020, elle décide de mettre fin à leur relation. Ce même soir, elle échange avec Delphine. Un accord tacite est scellé : la maîtresse patientera jusqu’à la fin des fêtes avant de s’installer auprès de Jean.
Peu à peu, il disparaît de la lumière
Ce 15 décembre au soir, à distance, les deux amants célèbrent leur avenir. Ils commandent même une caisse de vin. À 22h19, avec son portable, Delphine envoie à Jean une photo d’elle en petite tenue. Les deux amoureux échangent jusqu’à 22h58, heure à laquelle Jean part se coucher. Ce sera le dernier signe de vie de l’infirmière.
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Rapidement, Jean devient un nom sur la liste des suspects. Les enquêteurs s’intéressent à ce Montalbanais discret, inconnu du grand public, mais dernier interlocuteur de la disparue. Il est interrogé. Un temps soupçonné. Puis écarté. Il n’était pas là. Il n’a rien vu. Rien entendu. S’il pense, dans un premier temps, que Cédric n’est pas impliqué dans la disparition de sa bien-aimée, il finira par changer d’avis au fil des mois.
Dans les semaines qui suivent la disparition de Delphine, Jean ne participe pas aux recherches. Il ne parle jamais à la presse, ni sur les réseaux sociaux. Peu à peu, il disparaît de la lumière. En février 2022, Jean vend sa maison et quitte la région. Il s’éloigne définitivement de son ex-compagne. Il travaille désormais dans l’automobile, ailleurs. Discret. Anonyme. Loin du Tarn. Loin du fracas.
Mais dans l’affaire Jubillar, son nom reste accroché à la disparition. Il reste celui qui a aimé Delphine durant ses derniers mois, l’a vue rêver à un avenir… sans soupçonner la disparition. Un personnage de l’ombre, suspendu entre passion et silence. À jamais lié à une femme disparue dans la nuit et à une affaire hors-norme.