August 11, 2025

RECIT. "Avec de la passion, on peut vraiment décrocher les étoiles !" Le jour où la Cité de l’Espace a conquis Toulouse

l’essentiel
SERIE 5/6. Symbole de l’Occitanie, la Cité de l’Espace attire chaque année 450 000 passionnés d’aventure spatiale. De la fusée Ariane en bord de rocade, à l’installation d’une réplique de la station Mir sur le parvis du parc, ses créateurs ont vu dès le lancement les choses en grand. Retour sur une ambition hors normes.

Tel un phare dressé vers le ciel, la fusée Ariane 5 de la Cité de l’Espace est devenue en 2025 un symbole incontournable de l’Occitanie. Ce centre de culture scientifique s’étend sur plus de 3 hectares et propose aujourd’hui 4 000 m² d’expositions permanentes, un planétarium, un terrain martien arpenté par les rovers Perseverance et Ingenuity, ainsi qu’une expérience immersive baptisée LuneXplorer, qui plonge le visiteur dans le quotidien des missions spatiales.

Vue aérienne de la Cité de l’Espace, peu après de son inauguration.
Vue aérienne de la Cité de l’Espace, peu après de son inauguration.
Ville de Toulouse / Cité de l’espace

Depuis son ouverture, il y a 28 ans, plus de 7 millions de visiteurs ont foulé l’Allée de l’Infini, ce sentier emblématique qui rappelle combien l’humanité est petite face à l’immensité de l’Univers. Pourtant, lors de l’inauguration, le site arborait un tout autre visage.

Claudie Haigneré (en rouge) lors de l’inauguration de la Cité de l’Espace, le 27 juin 1997.
Claudie Haigneré (en rouge) lors de l’inauguration de la Cité de l’Espace, le 27 juin 1997.
Archives DDM

Né en 1993 de la volonté du maire de Toulouse, Dominique Baudis, de faire de la ville la capitale française de la culture scientifique et spatiale, le projet ne comprenait alors que le bâtiment principal et la réplique de la fusée Ariane. Et pour accueillir ce futur espace de vulgarisation, le maire a jeté son dévolu sur un terrain en bordure de rocade, dans le quartier Montaudran.

Un défi de taille, puisque le site choisi est déjà occupé par un bâtiment en béton massif, qui devra être conservé dans le projet spatial : la chapelle blanche, dont la forme singulière évoque “un heaume de chevalier”, selon Véronique Hallard, cheffe de projet de la Cité.

L’édifice devait initialement abriter des œuvres d’art du galeriste toulousain Alain Inard. Mais faute de financement, le projet dantesque est à l’abandon.

“À l’époque, il n’y avait pas internet”

Lorsque Véronique Hallard rejoint l’équipe en 1993, elle n’est encore qu’une jeune stagiaire en muséographie. “C’était un sacré défi, car tout s’est fait avant l’arrivée d’internet”, raconte-t-elle. Réunions avec les scientifiques, coups de fil incessants, échanges de fax : tel est alors le quotidien de la petite équipe en charge de la conception du site.

Véronique Hallard montre la vue d’artiste utilisée à l’époque pour illustrer le projet de la Cité de l’Espace (juin 2025).
Véronique Hallard montre la vue d’artiste utilisée à l’époque pour illustrer le projet de la Cité de l’Espace (juin 2025).
DDM – MARC SALVET

Sous la direction de Roger Lesgards, ancien président de la Cité des sciences, et de Jean-Noël Plachez, l’actuel directeur des expositions, Véronique Hallard travaille trois années durant à la mise en place du parcours.

Première difficulté : intégrer le bâtiment existant à la scénographie. Le choix est fait d’aménager les étages en spirale, autour de la thématique de l’exploration spatiale, du sol terrestre représenté au rez-de-chaussée jusqu’à la voûte céleste au dernier niveau.

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L’installation de cette voûte étoilée reste un souvenir marquant pour la muséographe. “Quelques jours avant l’ouverture, on courait partout pour finir les décors. J’ai dû grimper sur un échafaudage haut de quatre étages, au-dessus de la trémie centrale, pour fixer des dizaines de fibres optiques au plafond. Comme elles étaient très légères, je les ai lestées une à une avec de petits plombs pour éviter qu’elles ne bougent à cause de la climatisation. À l’époque, cela ne me dérangeait pas, mais aujourd’hui, avec le vertige, je ne recommencerais pas !” ajoute-t-elle en riant.

Une marraine d’exception

Si la Cité devait être incarnée par une figure, ce serait sans aucun doute par la spationaute Claudie Haigneré, dont le nom est devenu indissociable du centre à l’été 1996. “Claudie était en mission à bord de la station spatiale russe Mir (dont un exemplaire trône au cœur du parc, NLDR) lorsque Dominique Baudis l’a appelée en direct pour lui proposer d’en devenir la marraine. Elle a accepté immédiatement”, retrace Arnaud Mounier, directeur du site depuis 2024.

Depuis ce coup de téléphone vers l’espace devenu historique, l’ancienne spationaute accompagne fidèlement le développement du site, partageant ses conseils avec les équipes, notamment lors de la rénovation de la station Mir au printemps dernier.

Claudie Haigneré a notamment conseillé la Cité de l’Espace dans son projet de rénovation du parcours visiteur autour de la station Mir (mai 2025).
Claudie Haigneré a notamment conseillé la Cité de l’Espace dans son projet de rénovation du parcours visiteur autour de la station Mir (mai 2025).
DDM – FREDERIC CHARMEUX

Trésor lunaire

Dès les débuts, des objets emblématiques ont contribué à la renommée du lieu. L’un des plus précieux : un véritable échantillon lunaire prêté par la Nasa. Modeste par la taille – une dizaine de centimètres pour 163 grammes – mais extraordinaire par son histoire.

La pierre de Lune est exposée à la Cité de l’Espace depuis 1998.
La pierre de Lune est exposée à la Cité de l’Espace depuis 1998.
DDM – MICHEL VIALA

“Cette pierre, âgée de 3,4 milliards d’années, a été ramenée en 1971 par la mission Apollo 11. Elle a été exposée dans la chapelle blanche quasiment dès l’ouverture”, raconte Arnaud Mounier. Aujourd’hui encore, elle est conservée dans un caisson empli d’azote pour éviter toute oxydation.

Prévu à l’origine pour 150 000 visiteurs par an, le site en accueille désormais près de 450 000, grâce à des investissements constants.

Et si aujourd’hui la boutique de la Cité impressionne par sa taille et sa modernité, elle n’était au départ qu’un simple stand. “Le jour de l’ouverture, on avait installé quelques tréteaux, et des passionnés vendaient des souvenirs aux visiteurs comme à une kermesse d’école”, relate le directeur. “Comme quoi, cela prouve qu’avec de la passion, on peut vraiment décrocher les étoiles.”

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