Depuis 1918, le “Magasin Vert” à Agen a pignon sur rue au 163 boulevard Carnot à Agen. C’est Anne-Marie Laborie, la petite-fille et fille d’Yvonne et Raymonde, qui continue de perpétuer l’activité de cette boutique de chapeaux et d’accessoires de cérémonies.
Né en 1914 à l’orée de la première guerre et repris en 1918 par Yvonne Doms la grand-mère maternelle d’Anne-Marie Laborie la propriétaire, le Magasin Vert est une institution à Agen, un des plus anciens et mythiques commerces de la ville. Comme figé dans le temps.
La tapisserie vert sauge, une idée de sa mère Raymonde qui travaillait aux côtés de l’aïeule Yvonne, n’a pas pris une ride, la teinte s’est juste un peu fanée. “En 14, il s’appelait déjà le Magasin Vert et faisait partie d’une chaîne”, relate Anne-Marie, la chapelière, visage familier d’Agen.
On jurerait que l’horloge qui trône au-dessus de l’entrée s’est arrêtée. La porte en verre avec son poussoir en ferronnerie est élégante. Les casiers de mercerie fabriqués en chêne de Hongrie qui occupent tout le pan de mur, n’ont pas bougé. Les comptoirs en bois en imposent, tout comme la caisse et sa plaque de rendu de monnaie en cuivre qui est surmontée d’un pêle-mêle de photos souvenirs de clientes et de mariages qui ont traversé les décennies. Des jours heureux, la somme en clichés un peu jaunis du plus beau jour d’une vie.
Se chapeauter pour les mariages
Le téléphone fixe retentit avec une sonnerie à grelot qui nous replonge au siècle dernier. Un univers suranné qui garde un charme indéniable avec des bouquets d’hortensias séchés disséminés, de vieilles coupures de presse, une mannequin habillée en mariée des années 40 et des couronnes de fleurs blanches de premières communiantes exposées dans une vitrine. Une douce nostalgie assumée, à l’heure où la coutume de se chapeauter pour les mariages est un peu en perte de vitesse.
“Je suis née dans cette maison, à cette adresse. On y vivait en famille avec mon frère, mes parents, mon grand-père et ma grand-mère qui a repris à l’origine cette boutique qui faisait mercerie, corseterie et articles de mariage. Le magasin n’était pas aussi grand. Nous avions là, la cuisine et la salle à manger”. Puis sa mère Raymonde, cheveux relevés, d’une classe incroyable, a développé à son tour les foulards de marques et les fleurs en soie pour les tenues et chapeaux. Elle est venue jusqu’à son dernier souffle à l’âge de 98 ans, toujours retrouver sa fille, s’asseoir au magasin et faire un brin de causette avec les clientes. “On a longtemps été toutes les trois, ma mère, ma grand-mère et moi. Cette boutique, c’est une histoire de femmes”, glisse Anne-Marie Laborie qui a perpétué la tradition en personnalisant les chapeaux dès le début des années 80. “J’ai effectué plusieurs stages à Paris pour me former au métier de chapelière avec des créateurs de renom comme Maison Michel. Je travaillais le sisal et la paille, le tulle, les voilettes”. Elle continue inlassablement de personnaliser les chapeaux, les bibis, les serre-têtes, les bandeaux et les capelines.
De génération en génération
Les clientes se sont succédé de génération en génération, avec beaucoup de Gersoises, “peut-être parce qu’on trouve dans le Gers beaucoup de châteaux propices aux mariages et cérémonies”, mais elle coiffe aussi des Agenaises et des Tarn-et-Garonnaises fidèles elles-aussi au Magasin vert et à son sens inné du style. L’hiver, de douces gammes de chapeaux en feutre, de bonnets, de foulards en soie signés Christian Lacroix et d’écharpes en cachemire prennent le relais.

Elle conserve dans les tiroirs telles des reliques, quelques voiles ouvragés de mariées, mais les accessoires pour les communions comme les gants ajourés en dentelle ou en coton beurre frais pour les messes et les mantilles des enterrements se sont un peu perdus, tombés en désuétude. Des époques révolues, “mais on vient régulièrement me voir pour agrémenter un chapeau, l’assortir aux tenues, concevoir un serre-tête. Et tous les deux ans environ, je confectionne un chapeau aux couleurs vert et jaune qui symbolisent l’espérance et le foyer, à l’occasion de la Sainte-Catherine en le décorant de détails qui reflètent la personnalité ou la profession de la Catherinette”.