Jeudi 31 juillet et 3 août, la Chartreuse se dévoile la nuit pour une visite hors du temps. J’ai testé pour vous cette immersion au cœur de la vie des Chartreux.
Dans la lumière déclinante du soir, les visiteurs prennent place dans le jardin paisible de la Chartreuse Saint-Sauveur. Ludovic Lemercier, guide-conférencier de l’office du tourisme, vient à notre rencontre. Durant 90 minutes, il nous immerge dans le quotidien des moines chartreux, qui étaient 14 au pic de l’activité du monastère. Les travaux de construction de la Chartreuse Saint-Sauveur débutent en 1452 sous l’impulsion de la femme de Vézian Valette, riche marchand de Villefranche-de-Rouergue. À sa mort, il souhaite la construction de l’édifice et, dès 1528, les premiers moines s’installent.

La visite démarre dans le grand cloître, le ciel se noircit et les lanternes ressortent petit à petit. Ludovic présente l’ordre des Chartreux : “Ils vivaient en silence et seuls. Autour du cloître, on retrouve 13 ermitages dans lesquels chaque moine vivait de contemplation et de prières. Trois fois par jour, ils devaient se rejoindre pour prier. Afin d’éviter toute tentation d’échanges, ils devaient faire le tour dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.” Aujourd’hui, il ne reste plus rien de ces “cellules”, soit recyclées pour l’hôpital juxtaposé, soit détruites.

Des découvertes architecturales
Après le grand, place au petit cloître où se trouve l’ermitage du moine en chef. On y découvre, à la lumière de la lampe, les détails architecturaux du monastère. Les références au couple fondateur et les rappels liturgiques sont révélés avec pédagogie par le guide, lampe à la main. La beauté d’un temps révolu se révèle aux visiteurs. “On pense que les têtes coupées des apôtres datent plutôt des guerres de Religion que de la Révolution”, suppose le guide-conférencier, devant le lavabo faisant office d’entrée du réfectoire. Le ballet des chauves-souris trouble la quiétude des lieux et intrigue les visiteurs. Elles sont 150 à vivre dans la Chartreuse.

Une fois dans le réfectoire, la nuit est tombée. Le silence est roi, nous rappelant ainsi le quotidien de ces moines. La structure est l’une des mieux conservées au monde. Aujourd’hui, on ne compte plus que 350 moines chartreux dans le monde. En France, cinq monastères sont encore en activité, dont un en Aveyron, à l’écart de la population, réservé aux femmes. “C’est l’un des seuls ordres à ne pas avoir changé sa règle malgré les siècles. Pour eux, la Croix reste tandis que le monde tourne”, rapporte Ludovic.
Une visite hors du temps
Ensuite vient la salle du chapitre, où le prieur venait transmettre les informations du monde séculier et où les novices prononçaient leurs vœux. La Tabula est expliquée, sorte de planning de prières pour les moines. Dans la chapelle, les détails architecturaux sont décrits, les sculptures éclairées à la lumière ressortent. Pour conclure, nous sommes plongés dans le noir complet, comme les moines chartreux lorsqu’ils priaient le soir, laissant alors le visiteur vaquer à ses pensées.
Dans l’obscurité, la visite s’achève, ne laissant pas insensibles la quinzaine de curieux venus découvrir ce lieu unique. “On a appris beaucoup de choses, on est plongé dans l’ambiance et la vie monacale de ces gens. Pour nous, la nuit enrichit le propos et le retour sur soi-même. Nous ne sommes pas dans la religion mais on retrouve ce côté voyage initiatique”, témoignent Anne et Alain, un couple originaire de Nancy à la sortie. Si certains viennent de loin, des visiteurs locaux, comme Célia, de Soleville, se sont laissés séduire. “Je ne connaissais pas du tout, je suis venue par hasard et j’ai adoré. Je suis née à Marseille, dans le quartier des Chartreux, cela m’a particulièrement touchée.”