Donald Trump et Ursula von der Leyen ont signé dimanche un compromis fixant les droits de douane américains sur les exportations européennes à 15 %. Loin des 30 % redoutés, mais perçu par beaucoup comme un mauvais deal, surtout en France. Décryptage.
C’est la fin d’un bras de fer qui durait depuis des semaines. À Turnberry, en Écosse, Donald Trump et Ursula von der Leyen ont finalement trouvé un terrain d’entente : les produits européens vendus aux États-Unis seront taxés à 15 %, et non pas 30 % comme le menaçait la Maison Blanche. le président américain s’est félicité d’avoir conclu “le plus grand accord jamais signé en matière de commerce”. La présidente de la Commission européenne se contente de parler d’un “bon accord” qui apporte “de la stabilité”.
Certaines filières, comme l’aéronautique, échappent à ces droits de douane. Mais pour le reste, l’augmentation sera bien réelle. “Quinze pour cent, ce n’est pas négligeable, mais c’est le mieux qu’on pouvait obtenir”, a reconnu Ursula von der Leyen. Par ailleurs, l’Union européenne promet d’acheter 750 milliards de dollars d’énergie américaine et d’investir 600 milliards supplémentaires aux États-Unis. Le texte devra encore être validé par les États membres dans les prochaines semaines, ce qui risque de raviver les débats.
Un flot de critiques
En France, les réactions sont surtout négatives. Le Premier ministre François Bayrou n’a pas mâché ses mots, dénonçant sur X “un jour sombre” où l’Europe “se résout à la soumission”. Le Medef parle d’un “moindre mal” mais dénonce une Europe devenue “variable d’ajustement” face aux États-Unis et à la Chine. La CPME, qui représente les petites entreprises, parle carrément d’une “fausse bonne nouvelle” et craint des “répercussions désastreuses”.
Ailleurs en Europe, le ton n’est pas plus optimiste. Le Hongrois Viktor Orban, eurosceptique notoire et proche de donald Trump, juge l’accord “pire que celui du Royaume-Uni”. En Allemagne, le chancelier Friedrich Merz se réjouit surtout d’avoir “évité une escalade inutile”, mais l’industrie automobile redoute déjà des milliards de pertes.
Le chiffre trompeur
Les marchés financiers non plus n’ont pas sauté de joie. Après un petit rebond à l’ouverture lundi, les bourses européennes se sont vite calmées. Les analystes saluent la levée d’un risque majeur, mais doutent de la solidité de l’accord sur la durée.
Donald Trump mise sur une stratégie simple : taxer plus pour forcer les entreprises étrangères à produire aux États-Unis et créer des emplois sur place. Il veut aussi réduire le déficit commercial du pays, qui atteignait 200 milliards d’euros avec l’UE en 2024, surtout à cause des exportations automobiles et industrielles européennes. Mais ce chiffre est trompeur : sur les services (finance, technologie), les États-Unis ont en réalité un excédent vis-à-vis de l’Europe. Si on additionne biens et services, l’écart tombe à 50 milliards d’euros.
Incertitudes
L’Allemagne apparaît comme la plus exposée : elle exporte plus de 160 milliards de dollars vers les États-Unis, principalement des véhicules et des machines-outils. En Italie et en France, moins dépendantes du marché américain, l’impact se concentrera surtout sur quelques filières : le vin, l’agroalimentaire et le luxe. Les viticulteurs et les producteurs de spiritueux attendant encore des précisions sur de possibles exemptions, ce qui entretient l’incertitude.
Au final, les économistes prévoient un impact limité sur la croissance tricolore — une baisse de 0,1 à 0,3 % du PIB — mais l’OFCE alerte sur une possible hausse du chômage. Pour préparer la riposte, le ministre de l’Économie, Eric Lombard, et celui des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, convoquent mercredi à Bercy les organisations patronales et les fédérations industrielles. Objectif : mesurer les conséquences concrètes de l’accord et préparer les prochaines discussions avec Washington sur sa mise en œuvre.