Des soldats cambodgiens et thaïlandais au Prasat Ta Muen Thom, un ancien temple khmer contesté à la frontière entre les deux pays, le 26 mars 2025. TANG CHHIN SOTHY / AFP
De nouveaux échanges de tirs entre les armées du Cambodge et de la Thaïlande ont éclaté ce jeudi 24 juillet à la frontière des deux Etats, ont indiqué le ministère cambodgien de la Défense et l’armée thaïlandaise. Ces affrontements ont eu lieu au matin autour de deux temples datant de l’époque d’Angkor, au niveau de la province thaïlandaise de Surin et celle cambodgienne d’Oddar Meanchey, a précisé à l’AFP une source gouvernementale cambodgienne.
Le ministère thaïlandais de la Santé a fait état d’un bilan de 11 morts, dont 8 lors d’une attaque à la roquette près d’une station-service de la province de Sisaket (nord-est). L’ambassade de Thaïlande à Phnom Penh a aussi demandé à tous ses ressortissants au Cambodge de quitter le territoire. Et le pays a condamné un Cambodge « avide de guerre », quand ces derniers ont réclamé une « réunion d’urgence » du Conseil de Sécurité de l’ONU. Voici ce que l’on sait.
• Comment les affrontements se sont déclenchés ?
Les deux armées se sont mutuellement accusées d’avoir ouvert le feu. « Vers 8h20 [Heure locale, NDLR], les forces cambodgiennes ont ouvert vers le feu en direction du flanc est du temple Prasat Ta Muen Thom, à environ 200 mètres de la base thaïlandaise », a annoncé dans un premier temps l’armée thaïlandaise dans un communiqué.
La Thaïlande a aussi accusé le Cambodge d’avoir utilisé un drone sur le site contesté, vers 7h35 (heure locale). Six soldats cambodgiens armés, équipés notamment d’un lance-grenades, se sont par la suite approchés d’une clôture barbelée, a affirmé l’armée, assurant que les troupes thaïlandaises ont crié dans leur direction pour éviter un affrontement.
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« L’armée thaïlandaise a violé l’intégrité territoriale du Cambodge en lançant une attaque armée sur les forces cambodgiennes, a indiqué de son côté Maly Socheata, la porte-parole du ministère cambodgien de la Défense. Les forces armées cambodgiennes ont exercé leur droit de légitime défense, en pleine conformité avec le droit international, pour repousser l’incursion thaïlandaise ». L’ambassade thaïlandaise au Cambodge a par ailleurs appelé ses concitoyens à quitter le pays « le plus tôt possible. »
• Pourquoi les relations se sont-elles récemment envenimées ?
Les deux royaumes d’Asie du Sud-Est s’opposent de longue date sur le tracé de leur frontière commune, définie du temps de l’Indochine française, mais la crise en cours est la plus grave depuis près de quinze ans. L’épisode moderne le plus violent lié à la frontière remonte à des affrontements autour du temple de Preah Vihear entre 2008 et 2011, qui avaient fait au moins 28 morts et des dizaines de milliers de déplacés.
La mort d’un soldat cambodgien lors d’échanges de tirs en pleine nuit, fin mai, dans une autre zone disputée de la frontière, surnommée le « Triangle d’émeraude », a mis le feu aux poudres entre Bangkok et Phnom Penh, qui ont réduit leurs échanges économiques et diplomatiques.
La veille des affrontements ce jeudi, Bangkok a rappelé son ambassadeur en place à Phnom Penh et expulsé son homologue cambodgien de son territoire, après qu’un soldat thaïlandais a perdu une jambe en marchant sur une mine à la frontière. Une enquête de l’armée thaïlandaise a permis de déterminer que le Cambodge avait posé de nouvelles mines terrestres à la frontière, ont indiqué les autorités thaïlandaises. Le Cambodge a rejeté ces accusations, et indiqué que des zones frontalières restent infestées de mines actives datant de « guerres du passé ».
• Quelles ont été les conséquences économiques et diplomatiques ?
Le Cambodge a indiqué jeudi avoir rétrogradé au « plus bas niveau » les relations diplomatiques avec son voisin. Le Premier ministre thaïlandais par intérim, Phumtham Wechayachai, a lui déclaré que « la situation exigeait une gestion prudente » et « d’agir conformément au droit international ». « Nous ferons de notre mieux pour protéger notre souveraineté », a-t-il souligné.
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Les tensions ont conduit le Cambodge à suspendre l’importation de certains produits thaïlandais, et la Thaïlande à restreindre les déplacements aux points de passage à la frontière. Elles ont aussi provoqué de manière indirecte la suspension de la Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra, à la suite d’un scandale provoqué par la fuite, côté cambodgien, d’un appel avec Hun Sen, qui a gouverné le Cambodge pendant près de quarante ans. Accusée de manquements à l’éthique, Paetongtarn attend la décision de la Cour constitutionnelle qui peut la destituer.
Côté cambodgien, le Premier ministre Hun Manet, le fils de Hun Sen, a récemment annoncé la mise en place à partir de 2026 d’un service militaire obligatoire qu’il souhaite de vingt-quatre mois, pour tous les jeunes âgés de 18 à 30 ans.