Ce mercredi, nous vous avons révélé le retour de Sébastien Calvet au sein de la Fédération française de rugby. Au lendemain de cette annonce, l’ancien manager du SUA a confirmé cette information, et a aussi répondu à nos questions sur son départ précipité d’Agen.
Vous vous êtes muré dans le silence depuis sept mois. Tout simplement, comment allez-vous ?
J’ai passé des moments particuliers… Ce n’est jamais évident de vivre ce genre de situation. C’était dur. Depuis que je sais que j’ai été retenu par la Fédération, je vais beaucoup mieux.
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On a envie de vous poser une seule question. Que s’est-il passé au SUA ?
Cela s’est mystérieusement déclenché quinze jours avant la fin, où on m’a dit que des joueurs se plaignaient. Ce sont les membres du staff qui me l’ont fait savoir. Derrière, je me suis renseigné auprès des joueurs. Il y a eu des allers-retours en disant « Oui, mais ce n’est pas pour autant qu’on veut que tu partes ». Après, il y a eu ce vote, et le résultat. C’est toujours toi le dernier informé. En début de saison, j’étais trop gentil. En fin de saison, j’étais trop autoritaire. Ce sont beaucoup d’arguments qui ne me paraissent pas crédibles. Mais le milieu, on le connaît. Le poids du vestiaire aussi. Ce n’est pas facile à vivre, mais cela fait partie du jeu. Voilà pourquoi j’ai été discret. Ce n’est pas en pleurant que tu vas faire changer les choses. Je préfère m’exprimer aujourd’hui librement. J’ai subi comme tout entraîneur qui vit cette situation. Mais je pense que la messe était déjà dite depuis bien longtemps…
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Vous ne vous attendiez pas à une telle décision et un tel tourbillon ?
Non, pas du tout. C’est sorti lors de la semaine de Dax. Mais c’était « on va jusqu’au bout avec toi ». Cela voulait dire, quelque part, que j’étais crédible pour essayer d’aller chercher ce maintien.
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Quand vous déclarez que la messe était dite, était-ce dû à l’arrivée de Mauricio Reggiardo comme directeur sportif ?
Les joueurs ont peut-être interprété qu’effectivement, si Mauricio venait, c’était comme manager. Ce qui est sûr, c’est que, quand cette information m’a été remontée, les joueurs n’étaient pas contents de moi. Ils savaient aussi que Mauricio serait au club. De là à tirer des conclusions… Je ne vais pas verser dans la paranoïa. Ce n’est pas dans ma nature. Si on avait été premiers, cela ne se serait pas passé. Quand, dans un jeu de cartes, tu as deux as, tu hésites souvent. Après, c’est une question de couleurs…
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En voulez-vous à certaines personnes ?
Je raisonnerais à l’inverse. Je suis déçu qu’il n’y ait pas eu une solidarité pour donner de la continuité au projet. Mais ce que je retiens, c’est le soutien qui m’a été témoigné. Agen, c’est mon club. Mon fils y joue. Vis-à-vis de ce club que j’aime et de ces personnes que j’estime, je préfère raisonner comme ça, plutôt qu’être une personne en colère et qui va essayer de régler ses comptes. Je me suis muré dans le silence parce que cela n’allait rien changer. À la différence de beaucoup d’entraîneurs, j’ai pris ce projet parce que c’était chez moi. J’en pars après une histoire qui donne beaucoup de déceptions, mais cela reste mon club. Il y a beaucoup de gens que j’estime, que ce soit les anciens qui ont fait l’histoire, ou des gens qui sont encore dans le projet, notamment les membres du staff que j’ai fait venir. Il y a aussi quelques joueurs. On lit qu’ils ont voté contre moi à l’unanimité, mais c’est faux. Je sais quels joueurs ont voté pour moi. Je leur suis très reconnaissant. C’était des joueurs qui avaient une place importante. Mais ils n’ont pas été suivis, ni entendus. C’est la vie. Je ne veux pas que le club marche mal parce que je n’y suis plus.
Changeriez-vous quelque chose concernant votre management avec du recul ?
Bien entendu. Je suis arrivé avec un projet de jeu, une méthodologie. On a déjà commencé à changer des choses. Avec l’arrivée de Guillaume Jan, le projet offensif allait prendre une autre tournure. Ce n’est pas moi qui ai voulu me séparer de Barry Maddocks, mais, quand j’ai recruté Guillaume Jan, c’était pour son projet. Je n’ai pas vu un seul match d’Agen cette saison, mais je crois savoir que c’est un premier élément que j’ai changé en bien. Après, j’avais aussi changé des choses en discutant avec les leaders. Il y avait des réunions toutes les semaines. Par exemple, des joueurs avaient fait remonter que les entraînements haute intensité, il fallait les réguler. On l’a fait. J’en ai tenu compte. Là aussi, je ne veux pas me dédouaner. Si on avait été premiers, peut-être que la direction n’aurait jamais pris cette décision, et que les joueurs auraient été plus heureux. Après, on connaît la musique. Quand les résultats ne vont pas, tu ne vas pas virer dix joueurs, mais un entraîneur. Il y avait des choses à changer, mais il n’y avait pas une chose rédhibitoire au point d’avoir cette crise de confiance.
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Vous ne regardez jamais les matchs du SUA. Est-ce trop dur pour vous ?
Complètement. J’ai trop d’affect avec le projet de jeu, qui n’est pas très éloigné de ce qu’on faisait. C’est trop frais par rapport aux joueurs et au staff que je connais. Le deuil n’est pas fini. Mais, grâce à mon fils, je vais de l’avant. Il m’a un peu obligé à venir voir la formation que j’ai toujours eue en affection, de par tout ce que j’ai pu vivre. Les jeunes me rappellent mon amour du club.
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Comment se passent vos rapports avec les personnes que vous croisez ?
Je n’ai pas croisé de joueurs, si ce n’est ceux qui font la passerelle entre les Espoirs et les pros. Il y a Mathias Jean, avec qui on a une relation particulière, puisque je suis ami avec son père. En parlant de lui, et comme il a su le dire, je l’avais repositionné à l’arrière, même si c’est anecdotique… J’ai croisé Guillaume Jan au dernier match des Crabos. J’ai croisé récemment Mauricio. J’ai des membres du staff qui me téléphonent régulièrement. Après, ce serait difficile de rencontrer les gens qui ont voté contre. Je ne leur souhaite pas de mal, je ne leur en veux pas, mais c’est encore trop frais pour avoir envie de les croiser. On sera poli, mais ce n’est pas trop amusant.
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Qu’avez-vous à dire aux supporters étant derrière vous ?
Leur soutien a été fondamental dans mon bien-être. Il m’a accompagné. Il a été mon psychologue. Cela a vraiment beaucoup compté. Après, je suis quelqu’un qui se remet en question, qui considère que, quand quelque chose ne va pas, c’est d’abord ma faute avant celle des autres. Mais ce soutien m’a permis aussi de voir que je faisais des choses crédibles. Je sais que j’ai eu beaucoup de témoignages sur le jeu qui avait évolué, changé. Il y a beaucoup d’anciens qu’on avait invités qui m’ont témoigné ce soutien, même si je sais que cela ne plaisait pas à tout le monde que je fasse cela.
Avec du recul, est-ce que vous regrettez d’avoir passé cette année au SUA ?
Oui et non. Oui, parce qu’avec les U20, j’étais dans une dynamique positive. La Fédération souhaitait me conserver. Tout être humain préfère être dans une situation qui marche. Mais j’ai envie de dire non pour deux raisons. Quand j’ai fait ce choix, il y a deux éléments qui m’ont guidé. En premier, j’aime ce club profondément et je pensais qu’avec les jeunes que j’avais eus à la formation en équipe de France, on pouvait construire quelque chose. La plus grosse déception d’ailleurs, ce sont ces jeunes qui ont voté contre moi. C’est ce que j’ai eu le plus de mal à vivre. Dans le lot, il y en a beaucoup que j’avais recruté. Je ne suis pas le seigneur, mais c’était très dur. J’étais venu là pour eux, pour la formation, pour avoir un gros job. Puis, mon plus grand plaisir, c’était d’être tous les jours sur le terrain. Pour cela, je ne regrette pas…

