Trois ans après sa généralisation, Mon espace santé s’impose peu à peu comme le carnet de santé numérique des Français, avec 97 % de profils ouverts et plus de 17 millions d’usagers actifs. Mais derrière cette montée en charge, le dispositif doit encore convaincre les publics les plus éloignés du numérique et démontrer, chiffres à l’appui, qu’il améliore réellement la coordination des soins et la prévention.
Trois ans après sa généralisation, Mon espace santé commence à trouver sa place dans le quotidien des assurés. Après l’échec relatif du Dossier médical partagé (DMP), ce carnet de santé numérique découlant de la loi du 24 juillet 2019 s’inscrit dans la stratégie Ma santé 2022 et le Ségur du numérique. Après une expérimentation en 2021 dans trois départements dont la Haute-Garonne, il est ouvert automatiquement à tous les assurés depuis janvier 2022, avec intégration des anciens DMP. Début 2025, le ministère de la Santé indiquait que plus de 97 % de la population disposait d’un profil Mon espace santé et qu’environ un quart l’a activé, soit plus de 17 millions de personnes. Fin octobre on était à 23,3 millions.
Sur le fond, Mon espace santé rassemble dossier médical, historique des soins remboursés, messagerie sécurisée et agenda santé. En 2024, deux tiers des Français ont reçu au moins un document dans leur espace ; en octobre, il y en avait 7,62 par patient. Portés par le Ségur, les logiciels des professionnels se connectent progressivement : près de 95 000 libéraux, 17 000 pharmacies, 263 groupements de laboratoires, 3 700 établissements de santé et plus de 6 500 structures médico-sociales alimentent la plateforme.
Ne pas répéter l’échec du DMP
L’effort financier est à la hauteur des ambitions. La Cour des comptes évalue à 0,7 milliard d’euros les dépenses prévisionnelles prises en charge par l’Assurance maladie jusqu’en 2027, auxquelles s’ajoute une partie des 2 milliards d’euros du Ségur consacrée aux logiciels, à l’interopérabilité et à l’hébergement sécurisé. La Cour alerte toutefois sur le risque de répéter l’échec du DMP si les dossiers restent peu alimentés et si le faible taux d’activation persiste, notamment pour les publics en difficulté avec le numérique.
D’où l’article 31 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 qui renforce l’obligation pour les professionnels de santé de reporter les données de leurs patients dans leur DMP, et introduit l’obligation de consultation du DMP avant certaines prescriptions. “Cette mesure s’inscrit dans un rapport de force commencé par l’État il y a quelques années pour collecter et centraliser les données de santé de toute la population, au mépris du consentement des patients, et dans une vision technocratique du soin”, pointe l’association La Quadrature du Net. Les critiques portent aussi sur la gouvernance des données et les risques de réutilisation secondaire, dans la continuité des débats sur l’hébergement des données de santé.
À l’inverse, les pouvoirs publics mettent en avant les garanties d’un service public gratuit, hébergé en France et certifié HDS, enrichi par un agenda de prévention et un catalogue de 36 applications de santé “de confiance”.

