La consommation de viande de chien et de chat est désormais interdite à Jakarta, en Indonésie. Une décision suscitant des débats dans l’archipel, ces viandes étant populaires dans certaines communautés qui défendent une tradition culturelle.
L’Indonésie fait partie des rares pays autorisant encore la vente de viande de chien et de chat. Néanmoins, une campagne dénonçant cette pratique a gagné du terrain. Depuis le lundi 24 novembre, la vente et la consommation de viande de chien, de chat et de tout animal vecteur de la rage sont désormais prohibées dans la capitale, Jakarta. Une interdiction qui a visiblement du mal à passer.
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Bien que les musulmans, majoritaires en Indonésie, n’en consomment pas, ces viandes sont populaires dans certaines minorités. Le texte signé lundi par le gouverneur Pramono Anung prévoit ainsi une période transitoire de six mois avant l’application de cette interdiction qui fait débat. Car si l’Indonésie n’interdit pas encore la vente à l’échelle nationale, certaines villes, dont Semarang (Java central), ont imposé peu à peu des interdictions locales.
De prétendus “bienfaits”
“Une telle interdiction ne devrait pas exister”, déplore auprès de l’AFP Alfindo Hutagaol, 36 ans, se délectant de viande de chien grillée, accompagnée de riz et rehaussée de piment. “Dieu a créé (le chien) pour être mangé. Ne vous focalisez pas uniquement sur les aspects négatifs, tenez aussi compte de ses bienfaits !”, poursuit-il.
Certaines communautés sont persuadées que la consommation de viande canine augmente le nombre de plaquettes sanguines, ce qui en ferait un remède contre la dengue, maladie tropicale transmise par les moustiques. Pour d’autres, la prohibition n’éliminera pas le commerce de cette viande rouge, pourtant plus chère que le bœuf. “On ne peut pas l’éliminer du jour au lendemain, car c’est une tradition”, témoigne Sunggul Sagala, 43 ans.
9 500 chiens abattus par mois
Quelque 9 500 chiens errants ont été transportés chaque mois à Jakarta pour y être abattus en 2022, selon les estimations les plus récentes. Mais aucun chiffre sur la consommation nationale de viande de chien n’est disponible. La plupart de ces animaux abattus à Jakarta provenaient de Java occidentale, où la rage est endémique, selon une estimation de la coalition Dog Meat Free Indonesia (DMFI).
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Selon un sondage réalisé en 2021 pour DMFI, 93 % des Indonésiens se disaient opposés au commerce de la viande de chien et souhaitaient sa disparition. Autre justification à l’interdiction : Jakarta est exempte de rage depuis 2004 et fait partie des 11 provinces indonésiennes où la maladie a été éradiquée.
Plusieurs établissements vendent encore des plats à base de viande de chien et il existe au moins deux abattoirs à Jakarta, selon Hasudungan A. Sidabalok, responsable de l’Agence de résilience alimentaire, maritime et agricole. Au moins 19 restaurants vendent de la viande de chien à Jakarta, estime l’organisme. “Ce n’est pas une étape facile car il s’agit d’une habitude, voire d’une culture, pour certaines communautés, que nous espérons pouvoir changer”, a-t-il ajouté.
“C’est comme chercher sa drogue”
La législation indonésienne sur l’alimentation et l’élevage n’interdit pas explicitement la consommation de viande de chien et de chat, mais selon une directive de 2018 du ministère de l’Agriculture, la viande de chien n’est pas considérée comme un aliment.
À Semarang, où ce commerce a été banni en 2022, un camion transportant plus de 200 chiens destinés à l’abattoir a été intercepté et cinq membres d’équipage ont été arrêtés. À Jakarta, le renforcement du contrôle des autorités a contraint les commerçants à ne vendre de la viande de chien qu’à une clientèle triée sur le volet et de confiance, ce qui a fait grimper son prix.
Les restaurants qui proposaient auparavant ouvertement des plats à base de viande de chien ne le font plus et leurs propriétaires refusent désormais d’évoquer ce commerce. Même avant que l’interdiction n’entre en vigueur, “acheter de la viande de chien, c’est comme chercher sa drogue”, en raison de sa rareté, ose même dire Sunggul Sagala.
Pour Alfindo Hutagaol, l’interdiction pourrait tout bonnement conduire certains à se servir en capturant des chiens errants dans la rue. “Le gouvernement devrait y réfléchir à deux fois”, met-il en garde.

