November 19, 2025

REPORTAGE. "Je lis surtout pour savoir ce qui se passe ici" : pourquoi le journal local reste incontournable pour les Français

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Malgré une baisse des ventes, le journal papier conserve un public fidèle dans de nombreux villages, notamment à Saint-Lys en Haute-Garonne. Entre habitudes ancrées et recherche d’informations fiables, les lecteurs continuent de se tourner vers la presse locale.

Le marché du mardi touche à sa fin à Saint-Lys. Sous la halle, les marchands replient peu à peu leurs stands tandis que les derniers clients remontent vers l’église. Les conversations se font plus calmes, plus espacées. Dans les cabas, au milieu des poireaux et des mandarines, on aperçoit parfois un journal glissé en vitesse, acheté en passant.

Au bout du marché, un commerçant attend les derniers clients. Personne ne s’arrête. Alors, pour passer le temps, il s’est assis au fond de son camion et lit le journal du jour, lunettes posées sur le bout du nez. À quelques pas de là, le tabac-presse du centre voit défiler ceux qui prolongent leurs courses par un dernier arrêt avant de rentrer chez eux.

La porte s’ouvre par petites rafales, laissant entrer l’air frais et les habitués, ou les clients venus simplement chercher un colis. Certains jettent un coup d’œil vers le mur de journaux, font glisser un exemplaire du tas, le feuillettent quelques secondes, puis filent payer.

Des ventes en baisse

Derrière le comptoir, le patron observe cette fin de matinée d’un œil habitué. “Les journaux qui traitent de l’actualité, ça se vend encore”, explique-t-il. Tout comme “les magazines jeunesse, féminins… Mais on est toujours sur une pente descendante. Tous les ans, ça baisse : – 2, – 3, parfois – 5 %. C’est comme ça depuis longtemps”, déplore le gérant.

Pour La Dépêche du Midi, les ventes tiennent bon, même si la pile du matin s’amenuise plus doucement qu’avant. “On en vend une trentaine par jour. Avant, c’était cinquante ou cent. Les abonnements sur internet ont changé les habitudes. Mais on continue à tout proposer. On est les seuls du village à vendre autant de titres. Et puis certains tiennent à leur rituel : ils prennent le pain à côté, puis le journal ici”.

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En direction de l’église, Jacqueline avance lentement, son chariot gris roulant derrière elle. Elle achète encore régulièrement le journal. “Sur le téléphone, je m’y retrouve moins bien. On ne sait pas si les informations sont vérifiées ou non. Tout va trop vite. Avec le journal, c’est simple : les pages sont là, je lis à mon rythme. C’est plus confortable pour moi.”

Plus loin, Michel garde également l’habitude d’acheter le journal local, “quand le sujet principal l’intéresse”, précise-t-il. “Je lis surtout pour savoir ce qui se passe autour d’ici, dans les villages à côté et ce que font les associations”. “Parfois je me pose au PMU du coin pour le lire”, témoigne-t-il.

Christine s’approche de sa voiture, les bras chargés d’une baguette et de pâtisseries. Elle aussi achète un magazine “de temps en temps” selon les sujets. “Je prends surtout quand quelque chose m’intéresse vraiment. Le papier, c’est clair, on est sûr des informations qu’on lit”, explique-t-elle. “Sur Internet, c’est le chaos je ne crois plus rien”. Mais elle ne prend jamais le journal local : “Mon mari le reçoit tous les jours à la maison, alors je le feuillette quelquefois”.

Des profils variés

À quelques kilomètres de Saint-Lys, la maison de la Presse de Fonsorbes accueille une clientèle régulière. C’est la seule du coin, et cela suffit à remplir la petite boutique de la petite ville tout au long de la journée. Mélanie, la gérante, voit passer “tous les profils”.

“Les hommes prennent surtout l’actualité ou l’histoire. Les femmes, plutôt la cuisine ou les magazines de société”, détaille-t-elle. “Quelques parents s’arrêtent pour un magazine jeunesse également”. Contrairement à ce que l’on entend souvent, elle n’observe pas de crise dans son commerce. “Chez nous, ça se maintient. On ne peut pas dire qu’il y ait une chute. Les gens continuent d’acheter.”

 

La période du Covid a même eu un effet inattendu. “On faisait partie des commerces considérés comme essentiels, donc on est restés ouverts pendant la crise. Beaucoup de clients se sont remis aux magazines, aux jeux fléchés, aux mots mêlés. Ça a même relancé certaines ventes”, conclut Mélanie.

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