November 16, 2025

"C’est scandaleux et incompréhensible" : un chemin vieux de 2000 ans bradé pour un euro dans le Tarn ?

l’essentiel
Ce chemin antique, jadis route des légions, est aujourd’hui au centre d’un conflit brûlant entre élus, agriculteurs et associations. À la clé : la cession d’une portion, que l’agriculteur avait déjà aliénée, pour un euro symbolique… et un méthaniseur en toile de fond.

Entre les collines du Ségala et les pierres de Monestiés, un chemin dort sous les herbes. Un ruban de terre, vieux de 2000 ans, que foulèrent jadis les légions romaines, les pèlerins du Moyen Âge et les marchands d’un autre temps. La Voie Romaine – ainsi que la nomment les habitants de Monestiés – reliait autrefois Rodez à Toulouse.

C’est par cette route, raconte-t-on, qu’en 1774 furent transportées les statues du château de Combefa, sur des charrettes tirées par des bœufs. Une route d’Histoire, un témoin du temps, qui aujourd’hui se trouve au cœur d’un conflit selon plusieurs associations locales.

Le chemin a été tout simplement barré par un agriculteur qui en a interdit le passage.
Le chemin a été tout simplement barré par un agriculteur qui en a interdit le passage.
DR

Car depuis des années, ce chemin millénaire est barré : un agriculteur riverain en a interdit le passage, clôture et pancarte à l’appui. En septembre dernier, le conseil municipal de Monestiés a même voté le principe de cession de cette portion de voie rurale à l’agriculteur pour un euro symbolique, sous réserve d’une enquête publique prévue jusqu’au 24 novembre.

“La politique du fait accompli”

“C’est scandaleux et incompréhensible”, estime Marc Hubaut, président de l’association SOS Ségala Nature, qui milite pour réhabiliter ce chemin en “sentier patrimoine de randonnée”. “Cette Voie Romaine mériterait un meilleur sort… Combien vaut le droit de tous face à la commodité d’un seul ? On a l’impression que tout est fait en douce…”

Par ailleurs, l’agriculteur concerné fait partie du collectif d’éleveurs qui portent le projet de méthaniseurs dans le Carmausin. Ces installations, qui ont obtenu le feu vert de la justice en mai dernier, doivent être construites à Rosières et à… Monestiés, un projet déjà contesté par plusieurs riverains.

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Selon les associations, cette Voie Romaine pourrait servir de route d’accès au futur méthaniseur, une hypothèse mentionnée dans les plans des promoteurs depuis 2023.

“C’est la politique du fait accompli, dénonce Patrick Gubin, coprésident de l’association Cegaïa. Quand nous avons appris que la mairie allait céder ce chemin contre un euro, ça a été la stupéfaction… On nous a proposé le lancement d’une enquête publique pour calmer tout le monde, mais nous craignons qu’à terme, la voie ne soit définitivement aliénée.”

Un problème qui remonte à plus de… 150 ans

Les deux associations ont donc déposé un recours gracieux auprès de la mairie afin d’obtenir l’annulation de l’enquête publique et sa reprise dans les règles, avec l’ensemble des éléments accessibles aux citoyens. Un recours hiérarchique doit également être adressé à la préfecture pour vérifier la légalité de la procédure.

“Nous estimons que l’ouverture de cette enquête a été prématurée, faute de désaffectation préalable du chemin rural et de vote en conseil municipal, précisent les représentants des deux associations. Et que la procédure a été menée de manière précipitée et incomplète.”

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Ce type problème n’est pas nouveau pour Denis Marty, le maire de Monestiés. “Dans le cas de ce chemin, nous sommes face à un problème qui remonte à plus de 150 ans, explique-t-il. À l’époque un accord avait été passé à l’amiable entre la commune et le propriétaire… sans trace écrite. Aujourd’hui, on se retrouve avec une voie communale sur une propriété privée. Nous étions obligés de rentrer dans les règles. La contrepartie, c’est que la Voie Romaine représente une partie de cette voie… Mais c’est pour cela que nous avons lancé une enquête publique.”

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Le maire assure qu’il se rangera derrière les conclusions de l’enquête et que dans la “grande majorité, ce type de problème assez fréquent dans des communes comme la nôtre, se passe très bien”.

En attendant, elles appellent les habitants à se mobiliser et à venir donner leur avis en mairie avant que ce bout de voie romaine ne disparaisse définitivement sous les clôtures et les effluents d’élevage.

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