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Le Nouvel Obs avec AFP
La Cour européenne des droits de l’Homme, installée à Strasbourg. FREDERICK FLORIN / AFP
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné ce jeudi 13 novembre la Pologne pour violation « du droit à la vie privée » après qu’une femme a dû avorter à l’étranger en 2020 en raison de « l’incertitude » régnant à l’époque dans la législation.
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La requérante, née en 1981, était enceinte d’un fœtus atteint de trisomie. Si la loi polonaise de 1993 autorisait l’avortement en cas d’anomalie fœtale, la Cour constitutionnelle l’avait toutefois jugée le 22 octobre 2020 incompatible avec la Constitution. Cette décision, qui avait provoqué de vastes manifestations dans le pays, a pris effet seulement le 27 janvier 2021.
Or entre ces deux dates, le flou a régné sur l’incidence législative de l’arrêt. Par crainte de ne plus pouvoir avorter légalement dans son pays, la jeune femme, enceinte de 15 semaines au moment du prononcé de la Cour constitutionnelle, s’est rendue aux Pays-Bas, où la grossesse a été interrompue dans une clinique privée.
Plus de 16 000 euros de dommages moral et matériel
Les magistrats européens ont condamné la Pologne « à l’unanimité » pour violation du « droit au respect de la vie privée », garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, jugeant que la jeune femme a été « directement touchée » par l’évolution de la législation.
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« La Cour juge, en particulier, que l’ingérence dans l’exercice de ses droits par la requérante a découlé de la situation de grande incertitude qui a régné entre le prononcé de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, en 2020, et sa publication, en 2021 », incertitude aggravée « à la fois par l’absence de toute mesure transitoire et par la pandémie de Covid-19 en cours ».
La Pologne devra lui verser 1 495 euros pour dommage matériel et 15 000 euros pour dommage moral.
Un « jugement juste »
« C’est un jugement juste, le seul possible », a réagi Natalia Broniarczyk, de l’ONG « Aborcyjny Dream Team », déclarant à l’AFP que chaque jour depuis la décision de la Cour constitutionnelle « au moins sept femmes se rendent dans une clinique étrangère pour une interruption de grossesse ».
« Nous saluons cette décision, mais nous sommes toujours désespérément en quête des fonds nécessaires pour soutenir les femmes qui nous appellent chaque jour », a déclaré Mara Clarke, de l’organisation « Supporting Abortions for Everyone » (SAFE).
Fin 2023, la CEDH avait déjà condamné Varsovie dans une affaire similaire. Basée à Strasbourg, la CEDH est un tribunal chargé de statuer sur les violations de la Convention des droits de l’homme dans les 46 pays qui l’ont ratifiée.

