Zohran Mamdani et sa femme, Rama Duwaji. ANGELINA KATSANIS / AFP
1. Espoir
En juin dernier, dans le podcast « The Bulwark », le journaliste Cameron Kasky, qui se présente comme un « cœur deux fois brisé », demande à Zohran Mamdani, alors candidat au poste de maire de New York, s’il compte favoriser l’émergence de « tiers lieux » pour aider les jeunes de ladite génération Z (ceux nés après 1995) à se rencontrer « physiquement » dans la ville qui ne dort jamais. Et ce dernier de répondre, hilare, que lui-même a rencontré sa femme sur Hinge. Puis ajoute : « Alors il y a encore de l’espoir dans ces applis de rencontres ! »
2. Charnière
La création de Hinge est un conte de Noël à rebondissement. A l’origine, Justin McLeod était un étudiant en école de commerce qui, à peine remis d’une rupture, eut l’idée en 2011 de créer un service internet « simple et léger » pour faire des rencontres en mettant en relation les amis d’amis – d’où ce nom de « Hinge » pour « charnière ». Las, un an plus tard, Tinder pointe le bout de son nez et remporte le gros lot avec ses rencontres géolocalisées. Pour rebondir, le fondateur, approchant la trentaine, reprend en 2015 sa copie et refonde le site sur le modèle de « l’amour toujours ».
3. Amour
A l’origine, Justin McLeod n’a rien du gendre parfait. Bien au contraire ! Après avoir rencontré le grand amour à l’université, « en tombant dans l’escalier un soir de beuverie, en sortant d’une cure de désintoxication », le jeune homme, incapable de combattre ses démons, se fait larguer par sa petite amie, Kate. Celle-ci part à Londres, lui se range des voitures et intègre son école de commerce, non sans regretter l’amour de sa vie. Trop tard ? Une journaliste du « New York Times », venu l’interviewer sur Hinge, l’incite à ne pas lâcher son rêve. Le bellâtre prend un billet pour Zurich (oui, c’est « too much ») et retrouve la dulcinée sur le point de se marier. Fin de l’histoire ? Que nenni ! En 2015, ce conte de fées intègre les « Modern Love Essay » du quotidien américain. Et, en 2019, Amazon Prime le reprend dans l’épisode numéro deux de sa célèbre série télévisée éponyme. Aujourd’hui, l’ex-bad guys est toujours marié à Kate.
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4. Gen-Z
Selon la plateforme, les 18-25 ans constituent la plus grande part de l’audience de Hinge (à 56 %). Zohran Mamdani et sa future épouse, Rama Duwaji, ont « matché » en 2021, quand ils ont respectivement 30 et 24 ans. Celui qui vient d’être tout juste élu maire de New York s’avère donc un peu plus âgé, mais son aveu, sans fard, correspond bien aux valeurs de cette génération Z.
5. Match
Aujourd’hui, Hinge a été entièrement racheté par le géant Match Group, la maison mère de Meetic et Tinder. A l’heure où les applis de rencontre s’essoufflent, Hinge fait office de bon élève : à l’échelle mondiale, un « date » est organisé toutes les deux secondes grâce à ce nouvel arrivant qui, en deux ans, s’est hissé en France à la 2e place en termes de téléchargements.
6. « Deleted »
« Designed to be deleted », « conçue pour être supprimée ». En arrivant sur le marché américain, Hinge s’est présenté comme l’anti-Tinder : pas de « swipe » frénétique façon société de consommation de rencontres éphémères. Son fondateur clamait haut et fort : on ne vient pas sur son appli pour un coup d’un soir (quoi que) mais pour rencontrer l’amour avec un grand « A ». Au moment de débarquer en France, en 2023, il disait au « Nouvel Obs » à propos de ses utilisateurs : « Les gens doivent remplir des profils très complets […] Ce n’est pas juste une photo et une petite biographie. S’ils cherchent vraiment l’âme sœur et une relation sérieuse, ils doivent être guidés par une intention forte. »
Hinge, une application « designed to be deleted », soit « conçue pour être supprimée ». RICCARDO MILANI / HANS LUCAS VIA AFP
7. Taille
De fait, créer un profil sur Hinge est un parcours du combattant qui passe par un long questionnaire qui interroge, entre autres, sur l’orientation sexuelle, le type de relation recherchée (de partenaire de vie à relation courte), mais aussi sa taille, sa religion, ses origines, ses idées politiques, etc. Et s’il est possible de botter en touche sur certains points, pas question de zapper les six photos ou vidéos obligatoires. On notera qu’une jeune femme s’est vantée sur TiKTok d’avoir évincé Zohran Mamdani en raison de sa taille. Et les internautes de saluer tour à tour l’honnêteté du nouveau maire de New York – ou de railler la « gaffe du siècle ».
8. Algorithme
Avant d’introduire de l’intelligence artificielle (IA) générative (depuis cet été en France), Hinge vantait la puissance et la spécificité d’un algorithme « basé sur le théorème de Gale-Shapey », qui mettait en équation la stabilité des couples et datait de… 1962. Lucide, Justin McLeod expliquait : « Peu importe la qualité de votre algorithme. Techniquement, il est bon avant tout grâce aux données que vous entrez. »
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9. Données
Les données personnelles sont ainsi la pierre angulaire du système… et l’objet de toutes nos inquiétudes. « N’oublions pas que ces applis ont une finalité marketing. Elles nous vendent un monde parfaitement inatteignable et jouent sur un romantisme standardisé contre des données intimes, religieuses, politiques… Au regard de la situation politique américaine sous l’ère Trump, est-ce vraiment ce que l’on veut ? » alerte ainsi la chercheuse Laurence Devillers, autrice de « IA, ange ou démon ». En mars, le PDG nous assurait que les valeurs inclusives portées par la plateforme n’avaient pas changé d’un iota. Pourvu que ça dure.
10. « Black Mirror »
« Rejoignez le système ! », clame un épisode de la série dystopique « Black Mirror », intitulé « Hang the DJ ». On y découvre un tout petit galet qui matérialise la mise sous équation du couple, avec une date de péremption à la clé selon des données recueillies au fur et à mesure des tentatives d’apairement… A l’époque, ChatGPT et consorts n’avaient pas encore bouleversé nos vies. Serait-ce une idée pour une prochaine mise à jour de Hinge ?