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Le Nouvel Obs avec AFP
Le président français Emmanuel Macron lors d’un discours au sommet précédant la COP 30 à Belem dans l’Etat de Para au Brésil, le 6 novembre 2025. LUDOVIC MARIN / AFP
Dix ans après l’accord de Paris, l’heure n’est pas à la célébration : des dirigeants internationaux ont admis à Belem ce jeudi 6 novembre que le monde n’avait pas réussi à limiter le réchauffement climatique comme espéré, tout en cherchant à éviter tout découragement.
« La fenêtre d’opportunité » pour agir « se ferme rapidement », a mis en garde le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, en ouverture d’un sommet avant la 30e conférence sur le climat de l’ONU. Il a fustigé les « mensonges » de « forces extrémistes » qui favorisent « la dégradation de l’environnement ».
Pendant longtemps, l’ONU comme les dirigeants pro-climat ont évité le catastrophisme par crainte de démobiliser. Face à des températures incontestablement record, ils invitent à une « COP de la vérité », selon le terme de Lula.
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« Nous sommes moins nombreux ici à Belem, moins de dirigeants prêts à dire les choses comme elles sont », a reconnu le président irlandais Micheál Martin. « Notre attention a été détournée vers d’autres menaces et crises qui peuvent sembler moins pressantes », a-t-il déploré, en allusion aux tensions géopolitiques et commerciales.
Seulement une trentaine de chefs d’Etats et de gouvernements ont fait le voyage vers cette ville fluviale de l’Amazonie. Plusieurs ont abandonné la cravate voire opté pour une chemisette afin d’affronter la moiteur du climat amazonien, par 30 °C.
2025 dans le top 3 des années les plus chaudes
Après une inauguration joyeuse en musique, le ton est devenu brutal, alors que l’ONU a confirmé en même temps que l’année 2025 serait la 2e ou 3e année la plus chaude jamais enregistrée. Le secrétaire général de l’ONU António Guterres a acté l’échec de la communauté internationale à limiter le réchauffement à 1,5 °C par rapport à la période préindustrielle, l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris de 2015, évoquant une « faillite morale ».
L’ONU a basculé sur un message réaliste : les pays doivent faire en sorte que ce dépassement soit le plus court possible. Mais il faudra encore 50 ou 70 ans pour revenir à 1,5 °C, dit à l’AFP Johan Rockström, directeur de l’Institut de recherche sur le climat de Potsdam.
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Avec force, des présidents ont rejeté la désinformation climatique, les lobbys du pétrole, le manque d’argent et le retrait des Etats-Unis de la coopération sur le climat – même si l’absence de la première économie mondiale est une source de soulagement pour ceux qui craignaient que Donald Trump envoie des agents d’obstruction.
Vives critiques contre Trump
A la tribune, le président américain a suscité de vives critiques. Le Chilien Gabriel Boric a dénoncé ceux qui « choisissent d’ignorer ou de nier les preuves scientifiques et la crise climatique ». « Trump est contre l’Humanité », a tranché son homologue colombien, Gustavo Petro, dont le visa pour les Etats-Unis a été annulé par Washington.
Mais « nous n’avons jamais été mieux équipés pour contre-attaquer », a aussi dit Antonio Guterres. C’est l’autre objectif des dirigeants à Belem : ne pas laisser penser que la bataille est perdue. Beaucoup vantent les progrès phénoménaux des énergies renouvelables qui font entrevoir un avenir sans pétrole.
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S’il a fustigé les « prophètes du désordre », Emmanuel Macron a appelé à choisir le « multilatéralisme face au repli sur soi », « la science face à l’idéologie » et « l’action face au fatalisme ».
La Chine, championne industrielle de la transition énergétique, a profité de l’occasion pour demander à lever les « barrières » commerciales sur les « produits verts », un rappel des tensions douanières actuelles.
Un projet de fonds pour la protection des forêts
Le choix de la capitale de l’Etat du Para pour la COP a fait polémique en raison de ses infrastructures limitées qui ont renchéri la venue des petites délégations et des ONG. Au point que le Brésil a dû trouver des fonds pour loger gratuitement des délégués des pays les plus pauvres dans deux navires de croisière affrétés. Jamais la ville de quelque 1,4 million d’habitants, dont la moitié vivent dans des favelas, n’avait accueilli un tel événement international.
Le Brésil ne cherchera pas de nouvelles décisions emblématiques, mais veut que la COP30 inscrive dans le marbre des engagements concrets et organise un suivi des promesses du passé. Le Brésil a ainsi lancé jeudi un fonds d’un nouveau genre appelé à générer des dividendes sur les marchés financiers pour la protection des forêts (TFFF). La Norvège a déjà proposé d’allouer jusqu’à 3 milliards de dollars.
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Une partie du monde en développement reste sur sa faim après l’accord arraché dans la douleur l’an dernier à Bakou sur la finance climatique et veut remettre le sujet sur la table.
Les financements internationaux en faveur du climat sont « insuffisants, fragmentés et trop souvent mal ciblés », a déploré jeudi le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi. Son pays dans le bassin du Congo abrite la deuxième plus grande forêt tropicale humide au monde, après l’Amazonie.

