November 9, 2025

Demain tous cyborgs ? La bataille de l’humain augmenté a commencé

l’essentiel
Depuis la première puce implantée sous la peau de Kevin Warwick en 1998 jusqu’à la course actuelle entre Elon Musk et Sam Altman, l’interface homme-machine s’impose comme le prochain champ de bataille technologique. Avec une question capitale : l’humanité est-elle prête à fusionner avec ses machines ?

En 1998, dans un laboratoire de l’Université de Reading, un chercheur britannique posait un geste fondateur. Kevin Warwick, pionnier de la cybernétique, s’implante sous la peau une puce électronique.

Ce « Project Cyborg 1.0 » lui permet d’ouvrir des portes, d’allumer des lumières, de se connecter automatiquement à son ordinateur. L’expérience, anodine en apparence, inaugure une ère nouvelle, celle où le corps devient interface.

Des promesses… et des périls pour le devenir de l’Homme

Quatre ans plus tard, Warwick franchit une frontière plus intime encore. Avec « Project Cyborg 2.0 », il relie directement son système nerveux à cent microélectrodes. Il contrôle un bras robotique par la pensée, reçoit des signaux sensoriels, communique même par impulsions nerveuses avec son épouse, équipée d’un capteur. Pour lui, l’humain augmenté n’est plus une fiction mais une étape logique de l’évolution. Il en pressent les promesses — prothèses intelligentes, interfaces pour les paralysés, sens élargis — mais aussi les périls, surveillance, fracture entre « augmentés » et « naturels », remise en cause du libre arbitre.

D’ailleurs dans le sillage de Warwick, naissent au début des années 2000 des collectifs de biohackers citoyens. Hors des institutions, des collectifs comme Genspace, La Paillasse en France ou BioCurious revendiquent une science ouverte, “bricolée” et libérée de la tutelle académique. En suivant, les grinders, cyborgs de garage qui s’implantent eux-mêmes des puces ou des capteurs, veulent repousser les limites sensorielles mais en gardant le contrôle et en invoquant une désobéissance technologique.

Elon Musk, Sam Altman : deux visions de l’homme augmenté

Vingt ans plus tard, les prédictions de Warwick prennent pourtant forme. Elon Musk (PDG de Tesla, SpaceX…) fonde en 2016 Neuralink, convaincu que le cerveau peut devenir le centre de commande ultime. En janvier 2024, Noland Arbaugh, paralysé des épaules depuis un accident, reçoit le premier implant cérébral fonctionnel. Par la seule pensée, il manipule un ordinateur, tape, joue, interagit.

Le 31 octobre dernier, Musk a évoqué pour lui un double implant, promesse d’une connexion toujours plus fluide entre l’esprit et la machine. Douze patients dans le monde testent déjà ces dispositifs, totalisant plus de 15 000 heures d’usage, brouillant la frontière entre réparation et augmentation…

Noland might be the first to receive a Neuralink upgrade and/or dual Neuralink implant to further augment his abilities.

It won’t be long before a Neuralink recipient can beat most and eventually all humans at fast reaction video games. https://t.co/BVeAxVCssn

— Elon Musk (@elonmusk) October 31, 2025

Mais la course s’est accélérée la semaine dernière. À la tête d’OpenAI (la société d’intelligence artificielle qui a créé ChatGPT), Sam Altman entre à son tour dans l’arène. Sa société, Merge Labs, vient de recruter Mikhail Shapiro, ingénieur biomoléculaire de Caltech, pour concevoir une interface non chirurgicale.

Plutôt que d’insérer des électrodes comme Neuralink, Shapiro utilise ultrasons et thérapie génique pour rendre les cellules cérébrales réactives aux ondes. L’objectif est de lire et stimuler le cerveau sans le percer. Ses prototypes montrent déjà qu’un tel système peut prédire des mouvements avec une précision de quelques dizaines de degrés, sans recalibrage quotidien. Moins risqué et plus accessible, ce modèle s’adresse au grand public plutôt qu’aux seuls patients.

Deux visions s’opposent donc désormais. Celle de Musk, invasive, chirurgicale, où l’homme devient littéralement connecté ; et celle d’Altman, plus diffuse, où la biologie s’accorde au code.

Derrière cette rivalité technologique se rejoue un vieux débat : jusqu’où peut-on modifier le corps sans altérer l’humain ? Les transhumanistes, disciples de Warwick, saluent l’avènement de l’« Homo technologicus ». Les bioéthiciens, eux, redoutent une « fracture anthropologique ».

L’expérience solitaire d’un professeur britannique s’est transformée en industrie mondiale en devenir. Mais la question reste entière. Si la machine peut désormais nous comprendre — voire nous prolonger — qui, demain, commandera vraiment ? Êtes-vous prêt à franchir le pas et prendre le risque ?


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