Donald Trump arrive à l’aéroport international de Palm Beach, en Floride, le 7 novembre 2025. MANUEL BALCE CENETA/AP/SIPA
Les Etats-Unis sont entrés ce samedi 8 novembre dans leur 39ᵉ jour de paralysie budgétaire. Il s’agit du record du plus long « shutdown » de l’histoire du pays, dont les conséquences néfastes pour des millions d’Américains s’étendent de jour en jour. Depuis le 1ᵉʳ octobre, républicains et démocrates sont incapables de s’entendre pour adopter un nouveau budget et depuis mercredi, le « shutdown » a dépassé la précédente marque de 35 jours, établie en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump.
Coïncidence du calendrier, ce record est survenu peu après l’annonce des résultats de plusieurs élections clés, où les démocrates ont signé de larges victoires. La Virginie, avec Abigail Spanberger, et le New Jersey, avec Mikie Sherrill, ont notamment élu des candidates démocrates comme nouvelles gouverneures tandis que New York a choisi le progressiste Zohran Mamdani pour maire. Les Californiens ont eux approuvé un texte visant à redécouper leur carte électorale, en réponse à un mouvement similaire des républicains au Texas. Autant de scrutins servant de baromètre pour les neuf premiers mois du second mandat de Donald Trump, qui s’énerve de la situation budgétaire.
• Trump accuse les « kamikazes » démocrates
Tandis que les démocrates espèrent pouvoir se servir de leurs très bons résultats électoraux comme levier pour faire bouger les lignes de la paralysie budgétaire, Donald Trump les a qualifiés de « kamikazes » et a appelé les sénateurs républicains à passer en force pour voter une loi de finances. Cela implique d’enterrer le « filibuster », une pratique de compromis politique qui exige de rassembler une majorité qualifiée à la chambre haute du Congrès, où les républicains n’ont qu’une majorité simple. Le président républicain est persuadé que si les sénateurs de son camp, jusqu’ici réticents, le suivent, il pourra faire adopter réforme sur réforme afin de barrer la route à l’opposition dans un an, lors des « midterms ».
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« Nous réalisons un miracle économique », avait-il aussi assuré mardi soir à Miami, alors que les sondages montrent un mécontentement croissant des Américains sur la vie chère et sur sa stratégie de droits de douane. Le moral des consommateurs américains s’enfonce nettement en novembre, pour atteindre son plus bas niveau depuis juin 2022, selon un baromètre régulier de l’université du Michigan, qui fait référence, publié vendredi. L’indice mesurant cette confiance ressort à 50,3 points en novembre, soit un recul de 6,2 % par rapport au mois précédent, et de près de 30 % par rapport à la même époque l’an dernier.
Le républicain assure pourtant avoir fait baisser les prix de l’essence – qui n’ont pas bougé depuis un an – et de l’alimentation – qui devraient augmenter de 3 % cette année selon le ministère de l’Agriculture. Autant de promesses non tenues qui fragilisent le président. Thomas Kahn, professeur de sciences politiques à la American University à Washington, évoque aussi les dorures et le marbre dont le républicain remplit la Maison Blanche, ou la fête clinquante qu’il a donnée pour Halloween : « Les Américains sont à la peine et ils le voient vivre comme un prince ».
Au Congrès, les positions des deux camps ne bougent pas : les républicains proposent une prolongation du budget actuel, avec les mêmes niveaux de dépenses, et les démocrates réclament une prolongation de subventions pour des programmes d’assurance santé à destination de ménages à bas revenus. Mais Donald Trump rejette toute négociation avec l’opposition sur la santé sans « réouverture » de l’Etat fédéral comme préalable.
• Des milliers de fonctionnaires au chômage technique
En attendant, les effets se font de plus en plus sentir pour les Américains. Des centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux ont été mis au chômage technique, avec un salaire différé, et des centaines de milliers d’autres sont forcés de continuer à travailler, sans paie non plus jusqu’à la fin de la crise.
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Parmi l’ensemble des secteurs touchés, citons celui de la dissuasion nucléaire du pays. L’agence de sécurité nucléaire nationale, la NNSA, a dû mettre lundi quelque 1 400 fonctionnaires fédéraux au chômage technique, tandis que moins de 400 resteront en poste pour assurer la maintenance des ogives nucléaires américaines. Selon deux sources au sein de la NNSA citées par CNN, aucune menace immédiate pour la sécurité nationale n’est cependant à craindre pour le moment.
• Aides alimentaires gelées pour 42 millions d’Américains
La Cour suprême américaine a estimé vendredi que l’administration Trump n’était pas tenue de verser immédiatement les allocations d’un programme d’aide alimentaire suspendues en raison de la paralysie budgétaire, une décision temporaire qui laisse des millions d’Américains dans l’incertitude.
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Un tribunal avait statué cette semaine que le gouvernement devait financer intégralement le programme d’aide alimentaire SNAP pour le mois de novembre, d’ici vendredi soir. Il avait ordonné à l’administration Trump de puiser dans des fonds de réserve pour verser plusieurs milliards de dollars aux États afin qu’ils distribuent des bons alimentaires à quelque 42 millions d’Américains, dont des millions d’enfants, qui dépendent de ce programme pour faire des courses et se nourrir.
Mais la juge de la Cour suprême Ketanji Brown Jackson a rendu une décision administrative qui suspend la procédure et accorde un délai supplémentaire pour examiner la demande de l’administration. La décision de la Cour suprême, majoritairement conservatrice, intervient alors même que le gouvernement fédéral s’est efforcé de verser les paiements nécessaires aux États. « Il est honteux que l’administration ait choisi de saisir la justice au lieu d’assumer ses responsabilités envers le peuple américain », a déclaré sur X la procureure générale démocrate de l’Etat de New York, Leticia James, qui s’est opposée à plusieurs reprises à Trump.
• Un millier de vols annulés dans quarante aéroports
Un millier de vols ont été annulés vendredi dans les aéroports américains en raison du blocage budgétaire qui a conduit les autorités à alléger le trafic aérien face à la pénurie d’aiguilleurs du ciel. Par mesure de sécurité, l’administration Trump a imposé mercredi une réduction du trafic dans quarante des aéroports américains les plus fréquentés face au manque de personnel dans les tours de contrôle, auquel il est demandé depuis plus de cinq semaines de travailler sans être payé du fait du « shutdown ». Les vols internationaux ne sont pas concernés, a confirmé vendredi le ministre des Transports Sean Duffy.
Le site de suivi FlightAware identifie les aéroports de Washington (Reagan), Chicago O’Hare et Atlanta comme ceux les plus touchés. Environ 700 annulations sont annoncées pour ce samedi. D’après le ministère des Transports, le trafic aérien est réduit de 4 % vendredi, puis le sera de 6 % mardi et jusqu’à 10 % dans une semaine, si la paralysie budgétaire se poursuit. Le régulateur aérien américain (FAA) expliquait le 31 octobre que la moitié des 30 aéroports principaux « connaissent des pénuries de personnel » et que près de 80 % des contrôleurs aériens étaient absents dans les aéroports new-yorkais.
Ces perturbations s’ajoutent aux files d’attente qui s’allongent aux points de contrôle gérés par des agents de sécurité, également privés de salaire depuis plus d’un mois. Elles débutent à la veille d’un week-end que nombre d’Américains prolongeront jusqu’au mardi 11 novembre, férié aux Etats-Unis. Et elles surviennent à l’approche de Thanksgiving, la grande fête familiale pour laquelle des millions d’Américains prennent l’avion chaque année, le 27 novembre.

