Selon Forrester, les fabricants européens et les acteurs de la mobilité aborderont 2026 sous le signe de la résilience et de la régulation. L’industrie du Vieux Continent privilégie des chaînes d’approvisionnement robustes, freine la course aux écrans et s’appuie sur une robotique pragmatique, loin des promesses des humanoïdes.
L’Europe industrielle entre dans une phase de recomposition profonde. D’après le rapport Predictions 2026: Smart Manufacturing and Mobility publié par Forrester Research le 28 octobre, plus de la moitié des fabricants mondiaux refondent leur stratégie d’approvisionnement pour la centrer sur la résilience et la croissance. En Europe, cette réorientation s’impose comme un impératif, dans un contexte de tensions géopolitiques durables et de redéploiement des chaînes de valeur.
Le modèle dominant, fondé depuis des décennies sur les économies d’échelle et la réduction des coûts, cède la place à une logique d’« économie de portée », où la flexibilité et la diversification priment. Des groupes comme Siemens confient déjà à leurs directions supply chain des fonctions jadis périphériques : gestion du risque fournisseur, relocalisation sélective et planification prédictive fondée sur l’intelligence artificielle. Cette évolution confère aux responsables logistiques un rôle stratégique dans la définition même du modèle industriel.
L’Europe doit conjuguer innovation technologique et souveraineté industrielle
Forrester souligne que les incertitudes politiques et économiques ne se résorbent pas. L’Europe, dépendante de fournisseurs extérieurs pour ses composants critiques, doit conjuguer innovation technologique et souveraineté industrielle. Les fabricants européens cherchent désormais à anticiper la demande plutôt qu’à réduire les coûts unitaires, tout en intégrant la contrainte environnementale et énergétique.
Sur le terrain de la mobilité, les robotaxis sortent des laboratoires. Après la Chine et les États-Unis, des expérimentations sont attendues à Hambourg, Londres et Zurich. Volkswagen prépare ainsi le déploiement de sa flotte autonome MOIA, tandis que la britannique Wayve vise des services commerciaux d’ici 2026. Forrester note que les opérateurs à actifs légers, comme Uber ou Lyft, participent déjà à ces déploiements, confirmant la convergence entre mobilité numérique et logistique urbaine.
Le rapport tempère toutefois l’enthousiasme autour des robots humanoïdes. Malgré les progrès de l’intelligence artificielle embarquée, peu d’exemplaires seront employés dans des tâches industrielles utiles à l’horizon 2026. Les entreprises européennes privilégient les drones, bras robotiques et cobots, plus efficaces pour la maintenance, l’inspection et l’assemblage. L’automatisation se veut pragmatique et ciblée, en cohérence avec les besoins du terrain.
Le retour des boutons sur les tableaux de bord
Dernier signal fort : la régulation. Le nouveau programme Euro NCAP 2026 imposera aux constructeurs automobiles de maintenir des commandes physiques pour les fonctions essentielles à la sécurité. Une voiture dépourvue de leviers, boutons ou commutateurs pour les clignotants et essuie-glaces ne pourra plus prétendre à la note maximale de cinq étoiles. Ce virage traduit une prise de conscience : la simplification par l’écran tactile a atteint ses limites. En parallèle, les interfaces vocales enrichies par l’IA, comme celles de Cerence AI, progressent rapidement et promettent un usage plus fluide, sans détournement de l’attention du conducteur.
Pour Paul Miller, vice-président et analyste principal chez Forrester, 2026 sera l’année du rééquilibrage : entre transformation durable et rationalisation des coûts, entre innovation logicielle et sécurité réglementaire. L’Europe, soumise à la double exigence de compétitivité et de fiabilité, se positionne à l’avant-garde d’une industrie intelligente mais mesurée.

