Huit pays se sont réunis pour la première fois durant deux jours en Ariège, pour élaborer une charte européenne relative à la gestion de l’ours.

C’était une première en Europe : un séminaire consacré à la gestion de l’ours s’est tenu pendant deux jours, les 22 et 23 octobre derniers, dans la salle plénière du conseil départemental à Foix.
À l’initiative du Parlement Avenir Montagne (PAM09), ce colloque a réuni des représentants de Norvège, de Suède, de Slovénie, d’Italie, de Roumanie, de Catalogne, d’Espagne, d’Andorre et bien sûr de France. Pendant 48 heures, ils ont partagé leurs expériences et échangé sur les difficultés rencontrées face à l’augmentation des populations d’ours.
“Nous ne sommes pas seuls”
Pour Christine Téqui, présidente du conseil départemental de l’Ariège, la synthèse de ce séminaire met en évidence les difficultés partagées par de nombreux pays : “Lorsqu’on dit que la situation se passe mal en Ariège, on nous répond souvent qu’ailleurs tout va bien. Or, au vu des échanges, on se rend compte que nous ne sommes pas seuls et que nous vivons tous la même réalité : d’importantes difficultés liées à la sécurité des populations et des biens, ainsi qu’à la protection de l’agriculture.”
Des difficultés que chacun aborde différemment, comme l’indique Mihael Koprivnikar, membre de la chambre d’agriculture et de foresterie de Slovénie : “La situation entre nos deux pays est un peu différente car chez nous, l’ours a toujours été présent. Jusqu’à récemment, les populations locales savaient parfaitement comment gérer sa présence. En cas d’attaques répétées d’un ours problématique, celui-ci était automatiquement chassé – ni endormi, ni mis en captivité permanente, mais abattu. Cependant, la population d’ours a fortement augmenté et la situation a changé. Aujourd’hui, les agriculteurs slovènes estiment à près de 1 500 le nombre d’ours sur le territoire, ce qui devient extrêmement difficile à gérer.”
“La situation française est une aberration”
Pour d’autres voisins européens, la situation française “est une aberration”, comme le souligne la Norvégienne Marthe Lang Ree, vice-présidente du conseil d’administration des éleveurs de mouton : “C’est terrible. L’issue de ce colloque nous a permis de rassembler de nombreuses informations et de poser les bases d’une action commune. Chez nous, la situation est plus simple car nous entretenons une communication directe avec notre gouvernement, et les animaux sont identifiés via des colliers GPS, ce qui fait que le gouvernement peut extraire un animal à problème. En France, c’est dramatique : le système politique complique tout. Les politiques européennes sont beaucoup trop influencées par les associations de protection des grands prédateurs alors que ni elles, ni les décideurs politiques ne sont présents sur le terrain.”
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Sept pays aux problématiques différentes mais finalement proches, analyse Philippe Lacube, président de la chambre d’agriculture de l’Ariège : “Les pays du Nord sont déjà passés à la régulation, car ils comptent des populations d’ours bien plus importantes que les nôtres – chez eux, l’ours se chasse. En revanche, pour les pays du Sud, il est beaucoup plus difficile de parvenir à une forme de régulation. […] En France, nous sommes presque les seuls directement concernés par la présence de l’ours, ce qui limite l’intérêt du sujet à l’échelle nationale. D’où toute la pertinence de ce séminaire : pouvoir s’appuyer sur d’autres régions d’Europe confrontées aux mêmes difficultés, afin de constituer ensemble une force de lobbying, d’explication, et de porter des revendications communes — comme le droit à la légitime défense, la capacité à se protéger, ou encore la mise en place d’une véritable traçabilité. C’est à travers ce travail collectif que nous pourrons réellement peser, à Bruxelles comme à Paris.”
Un système d’indemnisation mis en place en Andorre
“C’était important pour l’Andorre d’être présent sur ce séminaire, car même si la situation n’est pas la même qu’en France, nous avons depuis quelques années des ours de passage et c’est devenu fréquent”, a indiqué le représentant du gouvernement andorran. Avec une dizaine d’ours de passage cette année, l’Andorre prend toutefois la mesure de la situation : “Ce colloque nous a permis de découvrir que d’autres outils doivent se mettre en place, je pense aux outils de défense pour les bergers, pour les professionnels de montagne.”

“Cet été, nous avons compté dix passages d’ours, ils arrivent d’Ariège et du côté catalan”, précisait le directeur du ministère de l’Agriculture d’Andorre. Compte tenu de cette nouvelle situation, la principauté a mis en place un système d’indemnisation. “Nous avons eu la chance pour l’instant de ne pas avoir à l’utiliser, mais c’est un outil. La situation est déjà difficile dans le secteur de l’élevage, on se doit d’accompagner nos éleveurs et leurs pratiques traditionnelles, qui nous permettent entre autres d’entretenir le territoire, qui est aussi un de nos atouts lorsqu’on parle du tourisme en Andorre.”
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Un Andorran qui trouve la situation française “étonnante” : “Quand on connaît ce territoire, les Pyrénées, la montagne et le secteur de l’élevage qui est un secteur difficile, il faudrait être plus cohérent lorsqu’on aborde le sujet de la prédation et ce serait bien que tous les acteurs, y compris les acteurs politiques au niveau de l’État, puissent travailler ensemble pour trouver des solutions appropriées.”
Il est ressorti de ce séminaire que personne ne souhaite l’éradication totale de l’ours, “mais il faut qu’à partir d’une certaine densité dans un territoire, on puisse agir.”

