Vladimir Poutine à Moscou, le 6 octobre 2025. ALEXANDER KAZAKOV / AFP
Vladimir Poutine a salué « une création unique à portée illimitée ». La Russie a annoncé dimanche 26 octobre avoir informé Washington d’un essai final réussi de son missile de croisière à propulsion nucléaire, Bourevestnik. Une arme innovante, pensée pour contrer les efforts américains de défense antimissile, mais qui ne bouleverse pas les équilibres stratégiques actuels, selon les experts. On fait le point.
• « Petit Tchernobyl volant »
Contrairement aux missiles classiques exclusivement propulsés par des carburants chimiques, le missile Bourevestnik (« oiseau de tempête » en russe) utilise un réacteur nucléaire. Ce dernier chauffe de l’hydrogène, qui sert de carburant et génère la poussée. « Cela permet d’allonger considérablement le temps de vol et la portée », explique Amaury Dufay, chercheur au centre IESD à Lyon et spécialiste de la propulsion nucléaire, cité par l’AFP. « C’est un peu comme si vous aviez un moteur de voiture qui consomme beaucoup moins de litres aux 100 km ».
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Les différents tests attribués aux essais du Bourevestnik depuis 2019 avaient, « à plusieurs reprises causé des inquiétudes au sein des Nations unies en raison du potentiel danger de contamination radioactive », a rappelé sur X Anton Gerashchenko, ex-conseiller du ministère ukrainien de l’Intérieur et fondateur de l’Institut pour le futur. Un lourd impact sanitaire qui lui vaut son surnom de « petit Tchernobyl volant ».
• 14 000 kilomètres en 15 heures
Grâce à cette propulsion nucléaire, le Bourevestnik pourrait cibler des sites à « n’importe quelle distance », a vanté le chef de l’État-major russe Valéri Guérassimov : le missile aurait ainsi parcouru 14 000 kilomètres – soit plus que la distance entre Moscou et Washington (10 000 km) – en 15 heures, d’après la Russie. Et cette distance « n’est pas une limite » selon Valéri Guérassimov.
« Son objectif est de voler longtemps, très bas, entre 15 et 200 mètres, ce qui complique la détection », selon Amaury Dufay. On peut imaginer le faire « décoller de Russie, faire un détour par l’Amérique du Sud et attaquer l’Amérique du Nord par le Sud, par des côtés qui pourraient être moins défendus par les défenses anti-missiles américaines ».
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En revanche, il est relativement lent, à une vitesse subsonique, et « a priori sa capacité de manœuvre et d’évitement est limitée par sa lenteur », estime Héloïse Fayet, spécialiste du nucléaire au centre de réflexion français IFRI, auprès de l’AFP.
• Une réponse au « Golden Dome » américain
Cette arme tente de fournir une réponse au renforcement des systèmes de défense antimissile, en particulier les Etats-Unis et leur projet de Golden Dome ou « Dôme d’or », annoncé il y a quelques mois par le président américain Donald Trump, qui souhaite sa mise en service d’ici la fin de son mandat. « Le Golden Dome américain et les projets de développement de défense antimissile en général sont parmi les principaux moteurs » du projet, a expliqué sur X l’analyste russe spécialiste des questions nucléaires Dmitry Stefanovich.
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Donald Trump, lui a fustigé l’annonce sur le Bourevestnik, estimant que Vladimir Poutine devrait plutôt « mettre fin à la guerre » en Ukraine. « Cette guerre qui devait durer une semaine entrera bientôt dans sa quatrième année. Voilà ce qu’il devrait faire plutôt que de tester des missiles », a-t-il ajouté.
• Un impact stratégique encore limité
Le Bourevestnik est « une création unique que personne d’autre dans le monde ne possède », s’est félicité Vladimir Poutine. Pourtant à l’heure actuelle, son impact stratégique reste limité. « Le missile n’est pas opérationnel, il n’y a pour l’instant aucune infrastructure de déploiement dans les forces, pas de doctrine d’emploi », explique Héloïse Fayet. « Je pense qu’il faut voir cela comme une tentative de Poutine de continuer d’épuiser Trump sur le nucléaire et la défense antimissile. C’est dans son intérêt de le persuader qu’il a absolument besoin d’un Golden Dome, mobilisant de nombreuses ressources », ajoute-t-elle.
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Car aujourd’hui, ni les Etats-Unis, ni, encore moins, l’Europe, n’ont de « bouclier antimissile permettant d’intercepter une attaque massive de missiles balistiques et de croisière », explique sur X Etienne Marcuz, chercheur à la FRS. S’il décrit une « belle prouesse technologique », l’analyste estime toutefois que « cette arme, dont le coût est probablement exorbitant, ne change en rien la balance stratégique entre la Russie et ses adversaires occidentaux. Il s’agit donc d’un non-événement stratégique. »

