Le président américain Donald Trump et le président vénézuélien Nicolas Maduro. KAMIL KRZACZYNSKI, FEDERICO PARRA / AFP
Pendant sa dernière campagne présidentielle, Donald Trump avait promis de mettre fin aux interventions militaires extérieures. Mais depuis plusieurs semaines, ses opérations aériennes dans les Caraïbes suscitent l’inquiétude, notamment au Venezuela. Vendredi, le président américain a décidé d’une montée en puissance considérable des moyens militaires américains en Amérique latine, avec l’envoi d’un puissant porte-avions en appui des opérations menées dans la région, qu’il revendique comme une lutte contre le narcotrafic. Le président vénézuélien a dénoncé une tentative d’« inventer une nouvelle guerre ». On vous explique.
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• Des frappes aériennes controversées sur des embarcations depuis septembre
Sur les ordres de Donald Trump, les Etats-Unis de Donald Trump mènent depuis début septembre, essentiellement dans les eaux caribéennes, des frappes aériennes contre des embarcations présentées comme celles de narcotrafiquants présumés. Dix de ces attaques ont été revendiqués jusqu’ici, la plus récente datant de la nuit de jeudi à vendredi. Elles ont tué au moins 43 personnes, selon un décompte de l’AFP basé sur des chiffres du gouvernement américain.
Une notice envoyée par le Pentagone au Congrès, affirmait que les Etats-Unis mènent un « conflit armé » contre les cartels de la drogue latino-américains, désignés comme groupes terroristes et dont les membres présumés sont qualifiés de « combattants illégaux ».
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Mais pour l’heure, Washington n’a jamais avancé de preuves de ces accusations contre les embarcations. Raison pour laquelle, entre autres, les experts remettent fortement en doute la légalité de ces frappes, conduite dans des eaux étrangères ou internationales, contre des suspects qui n’ont pas été interceptés ou interrogés. « Selon le droit international, le recours intentionnel à une force létale n’est permis qu’en dernier ressort contre un individu représentant une menace imminente pour la vie », a rappelé vendredi le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme, qui a mis en garde : « Sinon, cela constituerait une violation du droit à la vie. »
• Le plus gros porte-avions du monde et une large flotte déployée
Les Etats-Unis avaient jusque-là déployé dix avions de combat furtifs F-35 à Porto Rico, dans les Caraïbes, et huit navires dans les eaux caribéennes : trois destroyers, un croiseur, trois navires d’assaut amphibies et une frégate légère.
Le porte-avions Gerald R. Ford, le plus grand du monde, et la flotte qui l’accompagne, vont venir « renforcer les moyens actuels pour déjouer le trafic de stupéfiants et démanteler des organisations criminelles transnationales » dans la zone de commandement correspondant à l’Amérique centrale et à l’Amérique du Sud, a annoncé le Pentagone sur X vendredi, sans préciser davantage sa destination. Il s’agit de « consolider la capacité des Etats-Unis à détecter, surveiller et stopper acteurs et activités illicites », a-t-il ajouté.
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Au moins un bombardier américain B-1B a survolé la mer des Caraïbes au large du Venezuela jeudi, selon les données de suivi des vols – un survol démenti par Donald Trump. Il s’agissait de la deuxième démonstration de force de ce type après que des bombardiers B-52 ont volé près des côtes vénézuéliennes pendant plusieurs heures la semaine passée.
• « La prochaine étape, c’est l’opération terrestre », menace Trump
Jeudi, Donald Trump a estimé ne pas avoir besoin d’un accord du Congrès pour valider des opérations contre le Venezuela ou d’autres pays impliqués selon lui dans le narcotrafic. « Je pense qu’on va simplement tuer les gens qui font entrer de la drogue dans notre pays, ok ? », a-t-il lancé, en comparant les cartels de la drogue au groupe jihadiste Daech. « La prochaine étape, c’est l’opération terrestre », a-t-il menacé.
• Le pouvoir vénézuélien accuse les Etats-Unis d’« inventer une guerre » et de vouloir renverser Maduro
Le président vénézuélien Nicolas Maduro a accusé les Etats-Unis d’« inventer une guerre » avec son pays. « Ils ont promis de ne plus jamais entrer en guerre et ils inventent une guerre que nous allons éviter », a déclaré le dirigeant lors d’une allocution radio-télévisée.
Les Etats-Unis « inventent un récit extravagant, vulgaire, criminel et totalement faux », a-t-il ajouté. « Le Venezuela est un pays sans production de feuille de coca, sans production de cocaïne, et nous allons réussir à éliminer à 100 % le passage d’un minuscule 5 % du trafic de drogue provenant de Colombie », a-t-il assuré.
Les Etats-Unis menacent depuis longtemps Nicolas Maduro, qu’ils accusent d’être à la tête d’une vaste organisation de trafic de drogue : cet été, ils ont doublé à 50 millions de dollars la prime pour l’arrestation du président vénézuélien, inculpé par la justice américaine, et Donald Trump a indiqué avoir autorisé des opérations clandestines de la CIA dans le pays. Caracas dénonce de son côté un prétexte pour tenter de renverser le président et s’emparer du pétrole vénézuélien, et s’est insurgé contre « les coups d’Etat fomentés » par l’agence américaine de renseignement extérieur. Vendredi, le ministre vénézuélien de la Défense a prévenu à la télévision publique que les forces armées « ne permettront pas ici un gouvernement soumis aux intérêts des Etats-Unis ».
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En cas de conflit avec les Etats-Unis, le Venezuela se trouverait en position d’infériorité militaire marquée. Mais face à la menace que font planer les opérations américaines, Nicolas Maduro a lancé des exercices militaires dans tout le pays et a ordonné la mobilisation de réservistes. Il a également affirmé que le Venezuela disposait de 5 000 missiles antiaériens portables russes pour contrer les forces américaines. Des milliers de Vénézuéliens ont par ailleurs rejoint une milice civile en réponse à l’appel de leur président et ont été formés, dans la rue, au maniement des armes par des militaires et des policiers.
• Crainte d’une escalade en Amérique latine
Le Brésil, puissance régionale, s’est montré très critique des opérations américaines : le pays « s’oppose clairement à une intervention extérieure » qui « pourrait enflammer l’Amérique du Sud et conduire à une radicalisation politique dans tout le continent », a pour sa part averti le conseiller spécial du président Lula pour les Affaires étrangères, Celso Amorim, dans un entretien à l’AFP.
Washington a imposé vendredi des sanctions économiques au président colombien Gustavo Petro, accusé de ne rien faire contre la production de cocaïne dans son pays. Celui-ci, qui avait déjà qualifié les frappes américaines d’« exécutions extrajudiciaires », a assuré sur X qu’il ne comptait pas faire de « pas en arrière », ni se mettre « à genoux ».

