Dans une vallée de Teillet (Tarn), Alain cultive une plante inattendue : le thé. Pionnier en France de cette production, il affronte aujourd’hui la sécheresse et les effets du réchauffement climatique, qui menacent l’équilibre fragile de sa forêt-jardin.
Dans les collines du Tarn, au bout d’un chemin en pente, Alain et Sylvie ont bâti leur refuge : un lieu isolé qu’ils ont baptisé “Éco-hameau de Barthès”. Depuis trente ans, ce couple vit ici, à un kilomètre du premier voisin, au rythme d’une nature qu’ils respectent sans excès militant. “On fait simplement attention à la consommation d’eau, à ce que l’on mange, à ce que l’on produit”, explique Sylvie, en regardant une dizaine de paons perchés sur les toits des dépendances.

C’est dans ce décor de verdure qu’Alain, autodidacte passionné, s’est lancé un défi improbable : produire du thé au cœur du Tarn. “Je ne suis pas agriculteur de profession, mais j’avoue que je suis l’un des meilleurs spécialistes en France de cette plante”, dit-il avec un sourire tranquille. Connaisseur des variétés, des méthodes de culture et de transformation, il a même signé un ouvrage, Théiers, Théieraies, feuilles de thé, le seul en français consacré au sujet.
“L’humidité est indispensable pour le théier”
Ses plantations se découvrent à pied, en descendant dans les contreforts d’une forêt humide qu’il appelle sa “forêt-jardin”. L’endroit semblait idéal : un sol riche, un ruisseau en contrebas, une atmosphère propice à la croissance de cette plante originaire d’Asie. “L’humidité est indispensable pour le théier”, rappelle-t-il. Mais depuis 2022, le réchauffement climatique a bouleversé ce fragile équilibre. “Cette année, c’est la première fois que le ruisseau est à sec. D’habitude, même au pire moment, il reste un filet d’eau. Pas cette fois.”

Face à la sécheresse, Alain tente de s’adapter. Il a creusé une petite retenue pour arroser ses plants, sans jamais renoncer à sa philosophie : laisser la nature suivre son cours. Ses théiers, laissés libres comme dans les jungles asiatiques où ils peuvent atteindre dix mètres, poussent aujourd’hui plus lentement. “C’est très rare de les apercevoir en pleine forêt. Les gens ont plus l’habitude de voir des plantations dans des champs ou sous serres”, souligne-t-il.
“Je veux me lancer dans la production de mandarines”
Le constat est clair : sur ces terres tarnaises, la production de thé reste un pari difficile. “Sans eau, les arbustes et le nombre de feuilles stagnent”, admet le producteur. Pourtant, il ne se décourage pas. “Je continue ce travail de longue haleine avec du thé japonais, coréen et chinois. Ce sont tous de très bonnes essences aromatiques.”
Conscient des limites imposées par le climat, Alain envisage déjà d’autres cultures mieux adaptées. “Je continue le thé évidemment, mais je veux aussi me lancer dans la production de mandarines. C’est sûr que là, le climat est parfait.”
Entre deux visites de curieux venus découvrir ses thés rares, cet ancien néo-rural enseigne le yoga, autre passion qu’il cultive avec la même patience. Dans son éco-hameau, il poursuit son chemin, symbole d’une agriculture artisanale en lutte contre la sécheresse et les bouleversements du climat.