Un porte-conteneurs au port de Qingdao (Chine), le 19 août 2025. CFOTO / NURPHOTO VIA AFP
On pensait le secteur maritime sur la bonne voie de la réduction de ses émissions de CO₂ C’était sans compter sur l’influence américaine et la volonté de Donald Trump de faire capoter cet accord. Sous la pression des Etats-Unis, les pays membres de l’Organisation maritime internationale (OMI) ont repoussé ce vendredi 17 octobre d’un an leur décision sur l’adoption d’un plan mondial destiné à décarboner les navires.
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Ce plan ambitieux, dont le principe avait pourtant été approuvé en avril, permettrait au secteur, extrêmement polluant, de prendre un virage climatique historique en contraignant les navires à réduire progressivement leurs émissions dès 2028, jusqu’à décarbonation totale vers 2050.
• Une taxe sur les émissions de CO₂
Le plan visait à faire payer aux bateaux une taxe sur leurs émissions au-delà d’un certain seuil, en vue d’alimenter un fonds récompensant les navires à faibles rejets et soutenant les pays vulnérables au changement climatique. Cette tarification du CO₂ doit les inciter à utiliser des carburants moins émetteurs de gaz à effet de serre. Le système envisagé « n’est pas parfait », avait reconnu Arsenio Dominguez à l’ouverture du sommet, mardi, estimant cependant qu’« il fournit une base équilibrée ».
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Les pays de l’Union européenne, le Brésil et la Chine avaient réitéré cette semaine leur soutien à l’adoption de ce « cadre net-zéro » (appelé aussi NZF). Les Etats insulaires du Pacifique, qui s’étaient abstenus en avril, jugeant la mesure insuffisante, ont finalement indiqué qu’ils y étaient favorables. Quant aux principales associations et organisations maritimes, elles se sont pour leur part déclarées favorables à l’adoption du NZF, dans un souci de lisibilité réglementaire.
• Très forte pression des Etats-Unis
« Les États-Unis ne toléreront PAS cette arnaque verte mondiale sous forme de taxe sur le transport maritime et ne s’y conformeront d’aucune manière », avait affirmé Donald Trump sur son réseau social Truth Social, jeudi. « Nous ne tolérerons pas d’augmentation des prix pour les consommateurs américains NI la création d’une bureaucratie verte pour dépenser VOTRE argent dans leurs rêves écologiques », avait tancé le président américain, qui a dans le passé qualifié le changement climatique de « plus grande arnaque » de l’Histoire.
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Pendant une semaine de tractations chaotiques à Londres, les Etats-Unis sont allés jusqu’à menacer de sanctions les pays favorables au texte en brandissant la menace de restrictions de visas pour les membres de leurs équipages, de pénalités commerciales, ou encore de frais portuaires supplémentaires. A leurs côtés, l’Arabie saoudite, la Russie et les pays producteurs de pétrole ont fait front contre ce projet.
« Grâce à son leadership, les États-Unis ont empêché une augmentation massive des taxes imposées par l’ONU aux consommateurs américains, qui aurait servi à financer des projets climatiques progressistes », a écrit ce vendredi sur le réseau X le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio.
• L’UE déplore une « occasion manquée »
Ce vendredi, alors que le report était acté par l’OMI, l’Union européenne s’est laconiquement dite prête « à reprendre les discussions sur l’accord lorsque cela sera opportun ». De son côté, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Stéphane Dujarric, a regretté une « occasion manquée » de la part des Etats membres pour placer le secteur du transport maritime « sur un chemin clair et crédible vers zéro émissions nettes ». « La décarbonation de ce secteur est critique », a-t-il fustigé.
Interrogé par l’AFP, le ministre français des Transports, Philippe Tabarot, a dénoncé les « manoeuvres de certains États » pour faire capoter l’accord, sans citer nommément les Etats-Unis. « C’est un très mauvais signal », a-t-il insisté.
Auprès de RFI, Emma Fenton, de l’ONG britannique Opportunity Green a dénoncé « le manque de courage des États membres ». « Face aux pressions des États-Unis et autres, trop d’États ont choisi le compromis politique au détriment de la justice climatique », a-t-elle fustigé, actant « une défaite du multilatéralisme ».